Après le Tchad, que vaut encore la Constitution du Cameroun ?

Constitution CamerounYAOUNDE - 6 MARS: (de G a D) Marcel Niat Njifenji, President du Senat, Cavaye Yeguie Djibril, President de l'Assemblee Nationale, preside le Congres qui se reunit, pour la premiere fois, pour la prestation de serment des membres du tout nouveau Conseil Constitutionnel. Yaounde, Cameroun, 6 mars 2018. (© picture alliance / Jean Pierre Kepseu/MAXPPP/dpa)

Après l’assassinat du Président IDRISS DEBY ITNO du Tchad, un « Conseil Militaire de Transition » (CMT) s’est mis sur pieds avec à sa tête le général MAHAMAT DEBY ITNO, fils de l’ancien homme fort de Ndjamena.

Officiellement, le CMT a pour mission de préparer l’élection du prochain Président de la République du Tchad prévue, selon les dispositions dudit conseil, dans au moins 18 mois.

Dans une précipitation qui n’a pas manqué d’étonner, une « Charte de la transition » a été publiée sur le site de la Présidence de la République du Tchad, dissolvant par cette occasion l’Assemblée nationale et la Constitution.

Promulguée le 14 décembre 2020, la dernière loi fondamentale du Tchad a été soufflée comme une fleur de pissenlit par le vent des mutations qui a secoué le Tchad récemment.

Émanant du deuxième Forum National Inclusif tenu dans la capitale du pays entre le 29 octobre et le 1er novembre 2020, la nouvelle constitution semblait pourtant poser les jalons d’une République plus démocratique, même si dans le fond, la limitation des mandats présidentiels n’était aucunement un frein à l’exercice du pouvoir absolu du Président.

Et si les multiples révisions de Constitution n’étaient que l’expression de la volonté des Présidents de s’éterniser au pouvoir ? Un parallèle peut-il être établi entre les constitutions du Tchad et du Cameroun ?

Que prévoyait la constitution du Tchad ?

« Je vis ce matin, une émotion citoyenne, la même que celle qui m’a animé le 04 mai 2018 lors de la promulgation de la Constitution consacrant la 4ème République. Je parle d’émotion citoyenne parce que c’est avec un sentiment de devoir républicain, que je me plie aux usages en promulguant la loi fondamentale de notre pays ».

C’est en ces termes que le Maréchal IDRISS DEBY ITNO s’est exprimé lors de la cérémonie de signature de la loi n°017/PR/2020 du 14 décembre 2020 portant promulgation de la nouvelle constitution du Tchad.

Cet enthousiasme traduisait sans doute l’assurance du défunt Président du Tchad relativement à ce qu’il aurait occupé la plus haute fonction de son pays jusqu’en 2033.

En effet, avec la Constitution de la quatrième République entrée en vigueur en mai 2018,  le mandat du président de la République du Tchad était passé de sept années renouvelables indéfiniment à six ans, et était devenu renouvelable une fois.

En son article 66, cette constitution dispose que «  le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de six (6) ans renouvelable une fois ».

C’est donc sur la base de cette disposition que le Président IDRISS DEBY ITNO a été reconduit à la tête du Tchad, à l’issue des élections d’avril 2021.

Mais ce énième mandat n’aura duré que le temps de la proclamation des résultats par la Cour Suprême.

Par ailleurs, au sujet de la vacance du pouvoir du Chef de l’Etat constatée par la Cour Suprême, le Président du Sénat  est celui à qui en reviennent les prérogatives de l’assurance.

C’est ce que précise du moins l’article 82 en ces termes : « En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit ou d’empêchement définitif constaté par la Cour suprême, saisie par le parlement réuni en congrès, les attributions du Président de la République, à l’exception des pouvoirs prévus aux articles 86, 89, 90, 96, 97, 98, 99 et 101, sont provisoirement exercées par le Président du Sénat. »

Cet article ajoute qu’ « en cas d’empêchement de ce dernier, l’intérim est assuré par le 1er Vice-Président du Sénat. » Le même article prévoyait enfin que « dans tous les cas, il est procédé à de nouvelles élections présidentielles quarante-cinq (45) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus, après l’ouverture de la vacance. »

L’évidence est qu’aucune de ces dispositions ne sera respectée par le Conseil Militaire de Transition qui n’en tire aucun profit.  

Qu’en est-il du Cameroun ?

Le 18 janvier 1996, le Président de la République du Cameroun a promulgué la loi n° 96-06 portant révision de la constitution du 02 juin 1972.

Les alinéas 1 et 2 de l’article 6 de cette constitution disposaient respectivement que « le Président de la République est élu au suffrage universel direct, égal et secret, à la majorité des suffrages exprimés », et que  « le Président de la République est élu pour un mandat de sept (7) ans renouvelable une fois. »

Le 14 avril 2008, le Président PAUL BIYA a promulgué une loi modifiant et complétant certaines dispositions de la loi No 96/06 du 18 janvier 1996, portant révision de la constitution du 02 juin 1972.

Pour se maintenir au pouvoir, il fait écrire en l’article 6 que « Le président de la République est élu pour un mandat de sept (07) ans. Il est rééligible. » Par la subtile utilisation de l’article « rééligible », les auteurs de ce texte indiquaient que le Président se représenterait comme candidat à sa propre succession, autant de fois qu’il en aurait envie.

Depuis, le Président a été candidat aux élections de 2011 et 2018. Certains cadres de son parti l’ont d’ailleurs annoncé comme candidat à la présidentielle de 2025. Cela relève de l’autocratie.

La suite de l’article 6 de la constitution de 2008, précise qu’ « en cas de vacance de la Présidence de la République pour cause de décès,  de  démission pu d’empêchement définitif constaté par le Conseil Constitutionnel, le scrutin pour l’élection du nouveau président de la République doit impérativement avoir lieu vingt  (20) jours au moins et cent vingt  (120) jours au plus après l’ouverture de la vacance. »

Cet article ajoute que « l’intérim du Président de la République est exercé de plein droit, jusqu’à l’élection du nouveau président de la République par le président du Sénat. Et si ce dernier est  à  son  tour  empêché,  par  son  suppléant  suivant  l’ordre de  préséance  du Sénat. »

En cas de vacance, que se passera-t-il au cameroun ?

Âgé de 86, Marcel NIAT NJIFENJI serait donc celui à qui incomberait la charge de l’intérim du Président de la République en cas de vacance. La question à se poser est celle de savoir qui des deux est plus apte à assurer les fonctions de Chef de l’État en ce moment.

Aura-t-il donc à le faire, lui Marcel NIST NJIFENJI ? Ou se résoudra-t-il finalement à passer le témoin à son suppléant, S.M. ABOUBAKARY ABDOULAYE, le controversé lamido de Rey Bouba ?

Ou alors assisterons-nous aussi au Cameroun, comme ces derniers jours au Tchad, à un coup d’Etat militaire, orchestré par des officiers supérieurs du BIR, de la Garde Présidentielle et autres corps d’élites, avec le soutien ostentatoire et décomplexé des autorités françaises ?

Comme au Tchad, la loi fondamentale est taillée à la mesure de celui qui tient le pouvoir. Le général MAHAMAT DEBY ITNO n’entend visiblement pas le lâcher. Son intention d’organiser une Conférence Nationale en dit long sur la posture actuelle « d’homme fort de Ndjamena ».

Au Cameroun, la constitution est jusqu’ici faite pour assurer la pérennité du régime. Elle n’est qu’une forêt derrière laquelle se cache les véritables détenteurs de tous les pouvoir au Cameroun : Les corps d’élites de l’armée et de la police.

En cas de vacance constatée du pouvoir présidentiel, il est aujourd’hui possible que la Constitution du Cameroun ne valle pas plus que le papier sur lequel elle est écrite. MN 

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