Au Cameroun, la flambée des prix des denrées alimentaires

Au Cameroun, la flambée des prix des denrées alimentairesEntrée du Marché du Mfoundi dans la ville de Yaoundé. (c) Alain T.D./MUNTUNEWS

Au cours de l’année 2020, le niveau général des prix au Cameroun a connu une hausse induite par l’augmentation des prix des produits alimentaires et boissons non alcoolisées, selon l’Institut National de la Statistique.

En 2021, cette inflation étrangle de plus en plus la bourse des ménagères. Les prix des denrées alimentaires augmentent de façon vertigineuse sur les marchés des grandes villes du pays comme on peut le constater dans les marchés de Yaoundé.

Il est douze heures au marché du Mfoundi, l’un des plus grands marchés de la ville de Yaoundé. On ne s’y bouscule pas comme pendant les jours de grande affluence.

D’un bout du marché à un autre, on se mêle au brouhaha des commerçants qui se racontent leurs mésaventures. Seuls, quelques clients se fraient leur chemin entre comptoirs, boutiques et autres étales.

Isabelle TIKENG arpente l’une des pistes serrées du marché. Son sac est presque vide. Devant un vendeur d’œufs, la quadragénaire s’arrête et en achète quelques-uns.

« On n’arrive pas toujours à acheter tout ce qui est mentionné sur la liste », nous lance-t-elle pour justifier la maigreur de son sac.

« Les denrées sont chères. Il n’a rien qui soit à vil prix actuellement sur le marché, ajoute-t-elle ; il y a quelque temps, la patate même était moins chère mais on ne la trouve même plus. De la tomate jusqu’aux vivres comme les tubercules, tout est extrêmement cher. »

L’envolée générale des prix

« A l’heure actuelle, le riz coute excessivement cher », nous informe Diana, responsable de la boutique Sky Store. « Pour les sacs de 25 kilogrammes, les prix sont passés de 8 000 Fcfa à 10 000 Fcfa. », renchérit-elle, l’air dépitée.

Le riz n’est pourtant pas la seule denrée dont les prix ont connu une augmentation dans les grandes villes du Cameroun.

Devant l’étale de maman Léocadie, plusieurs cageots de tomate attendent désespérément d’éventuels clients. « Est-ce qu’il y a les clients ? » s’exclame-t-elle.

Dans son accoutrement très peu soigné, la vielle dame nous informe que les prix de la tomate ont explosé. Si ce légume s’arrachait rapidement en février, il est devenu très difficile de convaincre les acheteurs de s’en procurer.

 Aucune rhétorique n’est assez convaincante pour retenir les clients qui sont systématiquement révulsés par les prix appliqués en ce moment. Pour cause, les tarifs n’ont cessé de grimper depuis le mois de mars.

Il faut à présent débourser pas moins de 200 Fcfa pour avoir quatre légumes de taille moyenne alors que 100 fcfa suffisaient il y a juste un mois pour acquérir cinq à six petites tomates.

Les fruits que vent également mama Léocadie n’échappent pas à cette envolée des prix. À titre d’illustration, le sac de papaye qui lui coutait jadis 10 000 fcfa se vend en ce moment à 20 000 fcfa. Une flambée que ne supportent « que quelques clients qui connaissent l’importance des fruits » comme elle nous l’affirme.

Poisson et produits de l’élevage aussi frappés

Au secteur poulet du Mfoundi, DJOUENPA Kevin Basile ne cache pas son inquiétude. Cet éleveur et membre de la ligue de l’interprofession avicole a perdu le sommeil. Son activité, comme celle de ses collègues, tourne au ralenti. « Le poulet qu’on achetait à 2000 fcfa, aujourdhui c’est 3 000 fcfa et plus. »

Il nous explique que la fermeture des frontières à cause du Covid-19 et de la grippe aviaire a entrainé un engrenage dans lequel se retrouvent piégés ceux qui ont consacré leur vie à l’élevage.

En effet, selon lui, la production locale n’étant pas soutenue, plusieurs importateurs ont fait faillite à la suite de la dernière survenue de l’épidémie de grippe aviaire. Cela a entrainé un déséquilibre entre l’offre et la demande puis, l’augmentation des prix de la volaille.

Pour ne rien arranger, le prix du maïs dont une grande partie est importée a aussi connu une inflation. «Le prix du kilogramme de maïs variait entre 160 et 180 fcfa. Maintenant, c’est 300 fcfa. », selon Kevin.

Liste de quelques produits dont les prix ont augmenté sur le marché du Cameroun

Dans tout le secteur poulet, on regrette la disparition de Bernard NJONGA qui a milité pendant plusieurs années pour le développement des secteurs agricole et avicole au Cameroun.

Il est décédé le 21 février dernier sans voir la concrétisation de ce rêve. La prière des acteurs du secteur avicole est que l’État limite les importations et soutienne davantage l’élevage local.

Rappelons qu’en mars dernier, le Ministre en charge de l’élevage des pêches et des industries animales a autorisé l’importation des produits aviaires.

« Dans le cadre du développement de la filière avicole camerounaise et de la diversification des fournisseurs d’intrants, j’ai l’honneur d’accepter l’importation de produits et sous-produits aviaires du Brésil, dans le respect des exigences sanitaires et zoosanitaires du Cameroun et du Brésil, selon les normes de l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) », écrivait le Docteur Taïga. 

Les poissonniers sont rangés à la même enseigne que les éleveurs. Un propriétaire de poissonnerie qui a requis l’anonymat nous indique que les prix du poisson ont connu la même augmentation, du sommet jusqu’à la base. « Nous subissons l’augmentation ici à la base », déclare-t-il. « Nous fixons nos prix en essayant de faire une marge bénéficiaire, si minime soit-elle », ajoute-t-il.

Crise sécuritaire et Covid-19 pointés du doigt

De l’avis de certaines ménagères les crises auxquelles le pays est confronté sont directement ou indirectement liées à l’augmentation des prix des denrées alimentaires sur le marché.

S’il est clairement établi que la réduction des importations du fait de la pandémie a impacté plusieurs secteurs à l’instar du secteur de la volaille, la crise qui sévit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest serait aussi un facteur de l’inflation. « Il y a des vivres qui venaient de là et du coup, c’est vraiment compliqué de s’en procurer », argue Isabelle TIKENG.

Les visages serrés dans les marchés des grandes villes du Cameroun sont le signe de la mauvaise santé du panier de la ménagère. Il est de plus en plus difficile de mettre sur les tables un repas qui suffise aux besoins alimentaires des familles. Aucun produit n’échappe à l’inflation que décrient commerçants et acheteurs.

Pour sortir de cette situation, « le Gouvernement devrait continuer à veiller à ce que la chaîne d’approvisionnement des marchés soit maintenue active ; mettre en œuvre des politiques fiscales appropriées ; faciliter des flux commerciaux ; identifier les goulots d’étranglement (transports, marchés et liquidités) afin de faire coïncider l’offre avec l’évolution de la demande » comme le recommande l’Institut National de la Statistique. MN    

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