Plus de 60 ONG appellent les membres du Conseil des droits de l’homme à Genève à soutenir une action multilatérale en vue de la résolution de la Crise Anglophone au Cameroun.
Les signataires mettent en évidence la nécessité d’une pression internationale sur le gouvernement camerounais et les différents groupes séparatistes.
Aux Représentants permanents des États Membres et Observateurs du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (Genève, Suisse)
Une action multilatérale robuste est nécessaire pour répondre à la crise au Cameroun
Madame, Monsieur le Représentant permanent,
Nous soussignées, organisations de la société civile, sommes gravement préoccupées par les violations graves et persistantes des droits humains au Cameroun.
Alors que le Conseil des droits de l’homme de l’ONU (ci-après «CDH» ou «Conseil») s’apprête à tenir sa 47èmesession,du 21 juin au 15juillet 2021, nous exhortons votre délégation à soutenir une action multilatérale en réponse à la crise des droits humains dans le pays, sous la forme d’une intervention orale conjointe.
Cette intervention devrait comporter des indicateurs de progrès qui, s’ils étaient remplis, constitueraient pour le Cameroun un chemin vers l’amélioration de sa situation.
Si, à l’inverse, ces indicateurs restaient lettre morte, l’intervention orale conjointe ouvrirait alors la voie à une action plus formelle du Conseil, notamment (mais pas nécessairement uniquement)une résolution instituant un mécanisme d’enquête et de redevabilité.
Au cours des quatre dernières années, les organisations de la société civile ont appelé le Gouvernement du Cameroun, les groupes séparatistes armés et les autres acteurs non étatiques impliqués à mettre un terme aux violations et atteintes aux droits humains.
Compte tenu de l’incapacité des institutions camerounaises à garantir la justice et la redevabilité, la société civile a également appelé les organes et mécanismes africains et internationaux de protection des droits humains à enquêter, surveiller et faire rapport publiquement sur la situation au Cameroun.
Un niveau élevé d’attention au Cameroun, d’un côté, et, de l’autre, dialogue et coopération, ne s’excluent pas mutuellement. Au contraire, ils sont de nature à se renforcer.
Ils visent le même objectif: aider le Gouvernement camerounais à mettre fin aux violations, à garantir la justice et la reddition des comptes et à remplir ses obligations en termes de droits humains.
À cet égard, l’établissement d’une coopération entre le Bureau de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) et le Gouvernement du Cameroun, à la suite de la visite à Yaoundé de la Haute-Commissaire, Michelle Bachelet, en mai 20192, et s’appuyant sur les capacités du bureau régional du HCDH pour l’Afrique centrale (CARO)3, est un pas en avant.
Toutefois, depuis qu’un groupe de 39 États a co-signé une intervention orale conjointe lors de la 40èmesession du CDH (mars 2019) et en dépit de la visite de la Haute-Commissaire, de la tenue d’un dialogue national et de la présence du HCDH dans le pays, les violations se sont poursuivies.
Certaines d’entre elles, commises par les forces gouvernementales et des groupes armés non étatiques, pourraient être constitutives de crimes de droit international.
L’impunité demeure la norme. Dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, les atteintes perpétrées par les séparatistes armés et les forces gouvernementales continuent de causer des pertes en vies humaines et d’affecter la sécurité, les droits et les moyens de subsistance des habitants.
Les griefs ayant donné naissance à la «crise anglophone» demeurent intacts. Dans l’Extrême Nord, le groupe armé Boko Haram continue à commettre des violations à l’encontre de la population civile.
Par leur réponse aux menaces sécuritaires, les forces de sécurité ont également commis de graves violations des droits humains.
Dans le reste du pays, les autorités camerounaises ont intensifié leur répression des membres et soutiens de l’opposition politique, des manifestants, des professionnels des médias et des acteurs de la société civile, notamment via des actes de harcèlement, des menaces, des arrestations arbitraires et des détenions.
Le Cameroun fait partie des crises des droits humains face auxquelles le Conseil des droits de l’homme a échoué à formuler une réponse appropriée.
L’inaction d’autres organes (notamment l’Union africaine (UA) et le Conseil de sécurité des Nations Unies), rend d’autant plus indispensable l’envoi par le CDH d’un message clair, qui élève son niveau de surveillance et d’engagement.
Nous pensons qu’une action multilatérale plus robuste est nécessaire. Lors de la 47èmesession du Conseil, nous exhortons les États Membres et Observateurs à soutenir, au minimum, une intervention orale conjointe.
Cette intervention devrait indiquer clairement que si le Cameroun échouait à prendre des mesures concrètes pour enquêter sur les violations des droits humains, garantir la reddition des comptes et améliorer sa situation des droits humains, une action plus formelle du Conseil s’ensuivrait sous la forme d’une résolution instituant un mécanisme d’enquête et de redevabilité.
Une intervention orale conjointe devrait:
- Répondre aux violations et atteintes commises à la fois par les forces gouvernementales et par les groupes armés non étatiques dans le Nord-Ouest, le Sud-Ouest, l’Extrême Nord et d’autres régions du Cameroun, et exhorter toutes les parties à mettre un terme immédiat à ces violations et atteintes;
- Rappeler au Gouvernement camerounais sa responsabilité primaire de protéger sa population des crimes et autres violations des droits humains;
- Exhorter le Gouvernement camerounais, en coopération avec le HCDH et les organisations camerounaises de défense des droits humains, à mettre au point et à appliquer une feuille de route pour les réformes en matière de droits humains et la redevabilité, dans le but de prévenir des violations supplémentaires et de garantir la reddition des comptes, ceci dans le cadre d’un effort global de règlement de la crise que traverse le pays, en particulier dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, ainsi que le conflit armé dans la région de l’Extrême Nord;
- Au surplus, l’intervention conjointe devrait définir des indicateurs de progrès devant être remplis par le Gouvernement du Cameroun afin de démontrer la réalité de tout progrès en termes de droits humains, y compris en:
- mettant un terme immédiat aux violations commises à l’encontre des membres et des soutiens de l’opposition, des professionnels et organes des médias, des manifestants et des membres de la société civile, notamment avocats, responsables syndicaux, professeurs et défenseurs et organisations des droits humains;
- libérant les prisonniers de conscience;
- respectant pleinement les droits humains de tous les citoyens camerounais, notamment leurs droit à la liberté d’opinion et d’expression, de réunion pacifique et d’association, ainsi que leur droit à la vie, à la liberté et à la sûreté;
- coopérant pleinement avec le HCDH, y compris en lui permettant un accès sans entrave aux régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, afin qu’il y conduise des enquêtes et un travail de surveillance de la situation et de rédaction de rapports publics;
- coopérant pleinement avec le Conseil et ses mécanismes, conformément aux obligations du Cameroun en tant que Membre du Conseil, y compris en permettant aux titulaires de mandats de procédures spéciales d’accéder au pays;
- fournissant un accès plein et sans entrave aux organisations et aux travailleurs humanitaires et de protection des droits humains –ceci inclut la restauration de l’accès au pays pour les organisations non gouvernementales (ONG)internationales afin qu’elles puissent faire rapport sur la situation des droits humains dans le pays; et
- coopérant avec les organes et mécanismes régionaux, y compris la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP)5.
- Encourager la Haute-Commissaire aux droits de l’homme à rendre publiques les conclusions des enquêtes menées en 2019 par le HCDH dans les régions anglophones et à fournir des mises à jour régulières au Conseil, notamment en tenant des briefings ou des conversations informelles avec les Membres et Observateurs, entre les sessions. Ces mises à jour devraient inclure des informations sur son dialogue avec les autorités camerounaises, la situation dans le pays et le travail du HCDH dans le pays;
- Encourager les États à augmenter leurs contributions volontaires en faveur des activités du HCDH, notamment pour le travail du bureau régional du HCDH pour l’Afrique centrale au Cameroun et en Afrique centrale ; et
- Indiquer clairement que si le Cameroun échouait à prendre des mesures concrètes pour améliorer sa situation et démontrer des progrès en termes de droits humains d’ici à la 48èmesession du Conseil (13 septembre-1eroctobre 2021), une action plus formelle du Conseil s’ensuivrait, sous un point de l’ordre du jour approprié.
Nous vous remercions de l’attention que vous porterez à ces préoccupations et nous tenons prêts à fournir à votre délégation toute information supplémentaire.
Dans l’attente, nous vous prions de croire, Madame, Monsieur le Représentant permanent, en l’assurance de notre haute considération.
- Africa Call –Soudan du Sud
- AfricanDefenders (Réseau panafricain des défenseurs des droits humains)
- Amnesty International
- CDDH –Bénin
- Center for Human Rights Defenders Zimbabwe (CHRDZ)
- Centre mondial pour la responsabilité de protéger (GCR2P)
- CIVICUS
- Club humanitaire sans frontières (CHF)
- Coalition togolaise des défenseurs des droits humains (CTDDH)
- Commonwealth Human Rights Initiative (CHRI)
- Community Empowerment for Progress Organization(CEPO) –Soudan du Sud
- DefendDefenders (Projet des défenseurs des droits humains de l’Est et de la Corne de l’Afrique)
- Defenders Coalition –Kenya
- Dialogue and Research Institute (DRI) –Soudan du Sud
- DignityAssociation –Sierra Leone
- Economic Justice Network Sierra Leone
- Franciscans International
- HAKI Africa
- HRDSNET Uganda Ltd –Human Rights Defenders Solidarity Network
- Human Rights Defenders Network –Sierra Leone
- Human Rights Watch
- Initiative for plataforma das organizações lusófonas dos direitos humanos (POLDH)
- Institut du Caire pour l’étude des droits de l’Homme (CIHRS)
- International Civil Society Action Network (ICAN)
- International Refugee Rights Initiative
- Kenya Human Rights Commission
- National Alliance of Women Lawyers (NAWL) – Soudan du Sud
- Nouvelle génération de la cinématographie guinéenne (NOGECIG)
- Oasis Network for Community Transformation
- Union panafricaine des avocats
- Partnership for Justice, Lagos –Nigéria
- Protection International –Kenya (PIK)
- Raise The Young Foundation
- REDRESS
- Réseau de la Commission indépendante des droits de l’Homme en Afrique du Nord
- Réseau des organisations de la société civile pour l’observation et le suivi des élections en Guinée (ROSE)
- Réseau ouest africain des défenseurs des droits humains (ROADDH/WAHRDN)
- Service international pour les droits de l’Homme (SIDH/ISHR)
- Southern Africa Human Rights Defenders Network (SAHRDN)
- South Sudan Human Rights Defenders Network (SSHRDN)
- Tanzania Human Rights Defenders Coalition (THRDC)
- The Independent Medico-Legal Unit
- Torture Abolition and SurvivorsSupport Coalition International (TASSC)
- Watch Democracy Grow
- Women’s Centre for Guidance and Legal Awareness (WCGLA) – Égypte
…
62. 17 organisations supplémentaires se joignent à cette lettre, portant le nombre total de signataires à 62. En raison du contexte sécuritaire auquel elles font face, leur nom demeure confidentiel.
La version originale en anglais ici
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