L’émergence du sentiment de partir est due en majeure partie à la mise en péril des droits humains. De nombreux jeunes camerounais décident d’émigrer parce qu’ils se sentent exclus de la gestion des affaires du pays, privés de leur droit d’expression, confrontés au chômage et sous-emploi.
Faits marquants
- Hier sous l’ancien régime, les gens migrèrent pour échapper à la violation de leurs droits civils et politiques. Mais, aujourd’hui beaucoup partent du pays pour échapper au non-respect de leurs droits sociaux et économiques.
- Avec le poids de la croissance démographique et du chômage, les populations incapables de subvenir à leurs besoins basiques, à savoir s’instruire, se nourrir, se soigner, se loger, s’épanouir, développent en elles un sentiment de partir.
- Seulement, il s’agit de partir pour périr. De nombreux migrants périssent sans même avoir vu leur destination finale. Ils assistent impuissamment à la violation de leurs droits fondamentaux comme le droit à la vie, à l’intégrité physique et morale, le droit qu’a toute personne de jouir de conditions de travail justes et favorables à la sécurité et l’hygiène du travail, au repos, à la limitation raisonnable de la durée du travail.
- Quand les migrants ne sont pas pris en captivité dans certains pays de transit, ils meurent au fond des mers. Les chanceux qui réussissent la grande traversée et arrivent à destination ne sont pas aussi épargné de la violation de leur droit.
- La violation des droits de l’homme se trouve à tous les niveaux du phénomène migratoire.
L’émergence de l’idée de partir
Les politiques de l’inimitié des dirigeants sont à la base de l’idée de partir. Au Cameroun, sous le premier régime, la majorité des populations qui migraient fuyaient la tyrannie du président Ahmadou Ahidjo.
Avec l’arrivée du régime du renouveau, le phénomène migratoire est davantage lié à l’incapacité notoire des dirigeants de respecter les droits économiques et sociaux des populations.
Alors que sous l’ancien régime, grâce à la politique des plans quinquennaux, de la révolution verte, les jeunes avaient de l’emploi, ce droit et bien d’autres ont commencé à s’effriter avec l’arrivée de Paul Biya à la tête de l’Etat camerounais.
Les violations du droit à l’emploi s’étaient accentuées avec l’adoption des Programmes d’Ajustement Structurels (PAS) imposés par le Fond Monétaire International et la Banque Mondiale.
Avec la liquidation et la privatisation des entreprises, on a assisté à la violation des droits à l’emploi, à l’éducation, à un niveau de vie décent. L’un des indices de ce sentiment de partir est l’augmentation du taux de chômage due aux PAS.
Le taux de chômage n’avait alors cessé d’augmenter jusqu’en 2006 qui marque la fin de l’ajustement. Selon le Fond National de l’Emploi, il se situait autour de 30% en 2001. Dans les seules villes de Douala et Yaoundé, ce taux était de 8% selon le Bureau International du Travail.
Yaoundé et Douala affichent les taux les plus élevés avec respectivement 14,7 % et 12,5 %. Les jeunes (10 à 29 ans) sont les plus touchés avec un taux de chômage de 6,5 %, contre 3,1 % pour les 30 à 49 ans et 1,2 % pour les 50 ans et plus.
Entre 2000 et 2005, 70,9% de Camerounais migrèrent en Europe pour des raisons d’emplois. Plus de 71% allèrent en Amérique pour les mêmes motifs. La quasi-totalité des migrations sont dues au chômage endémique au Cameroun.
La passion de partir
Dans la logique de recherche des moyens de subsistances, partir est devenu une passion pour les populations en situation de détresse sociale. Entre 2000 et 2005 par exemple, l’effectif des émigrants camerounais était de 284 863 soit environ 47 000 individus par an avec près de 130 personnes qui émigrent par jour.
Une répartition selon le sexe montre que 91 451 hommes émigrent contre 193 412 femmes. Ces émigrants ont pour destination l’Europe et l’Afrique Et l’Asie.
Entre 2000 et 2005, 141 767 soit 49,8% avait pris la destination de l’Europe, 91 248, soit 32% celle de l’Afrique et 40 312, soit 14,2% celle de l’Amérique. Pour la période sus évoquée, 92,7% avaient pour destination finale les pays de l’Union Européenne. Et c’est justement en route pour ce continent que des Camerounais périssent le plus.
Partir pour mourir
L’histoire du phénomène migratoire est négativement riche en récit mortuaire et en indignité. Les sites de transit sont pour la plupart des lieux de production de souffrance humaine. Dans certains pays comme la Lybie, l’Algérie bref les pays du Maghreb, les migrants sont victimes des violences policières, des arrestations et des emprisonnements, du racisme.
Ces migrants, croyant échappés aux violations de leurs droits sociaux et économiques pour la majorité partent offrir leur droit à la vie, à l’intégrité physique, à l’intégrité morale à des passeurs sans foi ni loi.
Ces passeurs qui collaborent entre eux et travaillent en intelligence exigent souvent des sommes importantes aux migrants et en cas d’incapacité de paiement, ils sont enfermés dans des camps ; hommes, femmes et enfants. Les hommes sont soumis aux travaux forcés et les femmes sont quotidiennement abusées et vendues.
Selon le site Info migrants.net, un Camerounais présenté sous le pseudonyme de Mahdi, âgé de 32 ans a vu sa femme de 23 ans être emmenée vers une destination inconnue par un passeur, le laissant avec leur bébé né, alors qu’ils étaient enfermés dans un camp en Lybie.
Christian 37 ans, Danielle Mengue 27 ans et des milliers de Camerounais ont vécu des histoires identiques dans les camps de transit.
Il s’agit donc des enfermements comme dans le cas de Christian où plus de 2000 hommes, femmes et enfants furent entassés dans des camps ; des viols, des travaux forcés, de la traite des femmes, de la récupération des objets précieux des migrants comme des bijoux, des téléphones, de l’argent.
De nombreux Camerounais partis n’ont plus jamais laissé de trace de vie. En 2017, l’association « O Pays Migrant Human » avait répertorié une centaine de famille camerounaise qui déclarait la disparition des leurs. Les plus chanceux qui réussissent la grande traversée n’ont pas toujours de la chance à leur destination.
En fonctions des législations nationales, ces migrants rencontrent encore des problèmes de discrimination, de racisme et des maltraitances policières. Pour le cas des femmes, celles-ci subissent quasiment les mêmes sorts que durant leur séjour dans les camps de transit.
Celles qui prennent le chemin des pays du Golf sont encore victimes des viols, des insultes, des brimades et des indignités les plus insoupçonnées de la part de leurs employeurs hommes comme femmes ; leurs passeports et autres pièces d’identités sont généralement confisqués.
La peur, le déchirement intérieur, le stress, le regret prennent alors droit de cité. Le cas de Mlle Crescence Fouda Ngah est une parfaite illustration de la situation indigne et déshonorante que vivent les africaines en général et les Camerounaises en particulier dans les pays du Golfe Persique.
Arrivée au Koweït le 20 décembre 2017 ses papiers officiels furent arrachés et retenus par ses employeurs qui l’obligèrent à travailler 24 heures/24 sans repos, sans repas. Et les rares fois qu’elle mangeait, on lui servait au sol les restes de repas de ses maitres. MN
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Bonjour, très Intéressant comme article, moi aussi étant étudiant à l’université de la Grande région en Master border studies 2017-2020, j’ai fait des recherches et écrit un mémoire de Master sur le pourquoi de l’immigration clandestine des Camerounais. Beaucoup de points commun, mais des orientations différentes. Toutefois l’importance est à relever. Recevez mon admiration.
Merci pour votre appréciation généreuse ! Demeurez surtout des nôtres.