Facteurs explicatifs du sous-emploi des jeunes camerounais

Sous-emploi au CamerounPlusieurs facteurs peuvent expliquer le sous-emploi des jeunes camerounais. Il s’agit entre autres d’une éducation peu adéquate au secteur d’emplois formel qui recherche davantage des professionnels qualifiés.

Au Cameroun, le sous-emploi est une tare persistante qui affecte la majorité de la population active. Le taux de chômage étant relativement faible (5 %), il est plus pertinent d’analyser le marché du travail camerounais sous l’angle du sous-emploi plutôt que celui du chômage.

Le sous-emploi au Cameroun : un phénomène structurel

Selon le Bureau International du Travail, en considérant 35 heures comme la durée hebdomadaire de travail de référence, le sous-emploi global englobe toutes les formes de dysfonctionnement du marché du travail et intègre le chômage, le sous-emploi visible et le sous-emploi invisible.

C’est un phénomène qui traduit l’absence d’emplois pour des personnes en âge de travailler (15-64 ans), disposant des aptitudes pour travailler et disponibles pour le faire.

Il traduit aussi la situation où les actifs occupés travaillent malgré eux moins de 35 heures par semaine dans un emploi principal dont le revenu horaire au cours du mois de référence est inférieur à la norme fixée par la réglementation en vigueur.

Selon les résultats de la deuxième enquête sur l’emploi et le secteur informel (EESI) réalisée par l’Institut National de la Statistique (INS) du Cameroun en 2010, le sous-emploi global calculé sur la base de 35 heures par semaine touche 70,6 % d’actifs, soit 6,3 millions de camerounais actifs.

  • Taux de sous-emploi par sexe, niveau d’éducation et milieu de résidence (%)
Source : EESI 2, INS (2010)

Nous notons une disparité du phénomène suivant le sexe et le milieu de résidence. En effet, il est plus fréquent chez les femmes (78 %) que chez les hommes (63,7 %). Bien qu’il touche plus les personnes non scolarisées (82,9 %), le sous-emploi n’est pas négligeable chez les personnes ayant un niveau d’étude supérieur (44 %).

Plan

I. Sources de données

II. Le sous-emploi : un phénomène qui touche majoritairement le secteur informel et les jeunes

III. Caractérisation du sous-emploi des jeunes camerounais

IV. Facteurs explicatifs du sous-emploi des jeunes

V. Conclusion

I. Sources de données

Les données utilisées dans cet article proviennent de la deuxième enquête EESI (phase 1) réalisées par l’INS en 2010, sauf mention contraire.

II. Le sous-emploi : un phénomène qui touche majoritairement le secteur informel et les jeunes camerounais

Du fait de l’absence d’un système d’indemnisation des chômeurs, de nombreux actifs sans emploi, s’investissent dans des activités économiques de survie, dans le secteur informel, avec des revenus plus ou moins conséquents.

Le phénomène du sous-emploi concerne beaucoup plus le secteur informel que les autres secteurs institutionnels. En effet, selon le rapport de l’EESI (2010), il touche environ 83,7 % des personnes travaillant dans le secteur informel agricole, et 62 % de ceux travaillant dans le secteur informel non agricole.

Si le sous-emploi visible touche 12,3 % de la population, il croit avec le niveau d’instruction passant de 10,9 % pour les actifs non scolarisés à 23 % pour ceux ayant le niveau supérieur. Ce type de sous-emploi est presque fréquemment observé dans le secteur informel agricole.

Le sous-emploi invisible quant à lui touche environ 63 % de la population active occupée.

Selon l’INS, c’est dans le secteur informel agricole que la manifestation du sous-emploi invisible est la plus perceptible avec 81,4% d’actifs occupés ayant un revenu horaire dans l’emploi principal inférieur à celui fixé par la réglementation en vigueur.

  • Taux de sous-emploi global par secteur institutionnel (%)
Source : EESI 2, INS (2010)

Il est suivi par le secteur informel non agricole avec un peu plus de la moitié des travailleurs. Le phénomène du sous-emploi invisible semble être la caractéristique du secteur informel. Il est nettement moins accentué dans le secteur public (12,3%) et le secteur privé formel (20,0%)

III. Caractérisation du sous-emploi des jeunes camerounais

Sur la base des emplois observés en 2009, il ressort qu’une majorité des jeunes camerounais (plus de 51 %) souhaitent travailler dans les administrations publiques ou privées. Un peu moins de 44 % ont désiré travailler dans le secteur public, alors que seulement 33% y ont effectivement eu accès.

Environ 24 % des jeunes camerounais souhaitent travailler pour leur compte propre.

A défaut de s’intégrer dans l’administration, les jeunes préfèrent s’orienter vers le secteur informel qui est facile d’accès et où l’on dispose d’une certaine marge de manœuvre personnelle.

  • Structure des emplois désirés et observés par les jeunes de 15-34 ans
Source : EESI 2, INS (2010)

Alors que 54,2 % des jeunes préfèrent des emplois salariés, environs 51,5 % des emplois sont des postes non-salariés.

IV. Les facteurs explicatifs du sous-emploi des jeunes camerounais

Plusieurs facteurs peuvent expliquer le sous-emploi des jeunes camerounais. Il s’agit entre autres d’une éducation peu adéquate au secteur d’emplois formel qui recherche davantage des professionnels qualifiés. En effet, seulement environ 60 % des actifs de la tranche 35-64 ans suivent une formation professionnelle. Cette proportion est de 34 % pour les jeunes de la tranche 10-34 ans.

Si près de 40 % des Camerounais actifs se forment dans le tas, cette proportion représente un peu plus de 59 % pour les jeunes de 10 à 14 ans et près de 40 % pour les jeunes de la tranche 15-34 ans.

Il convient de noter une forte disparité entre les régions. En effet, les populations du Nord et de l’Adamaoua ont le plus suivi des formations dans le tas avec respectivement 60 % et 67 %.

Ces chiffres renseignent d’une part sur le faible degré d’accessibilité aux formations professionnelles, d’autre part, ils mettent en évidence la disparité entre régions.

Par ailleurs, puisque le sous-emploi touche plus de 82 % de la population active non scolarisée, ce phénomène est par conséquent dû en partie au manque d’accès à l’éducation qui reste un problème d’actualité.

L’école n’étant pas effectivement gratuite selon la recommandation des Nations Unies, les enfants issus de familles démunies n’y mettent pas pied ou sont contraints d’abandonner, faute de moyen.

Avec 37,7 % de ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté, ces derniers ne peuvent se nourrir décemment, ni se vêtir normalement, ni inscrire tous leurs enfants à l’école.

Cette situation met en évidence la transmission intergénérationnelle du sous-emploi qui pourrait être étroitement liée à la transmission intergénérationnelle de la pauvreté.

V. Conclusion

Sans l’intervention publique, dans l’optique de repenser l’éducation et d’accompagner les entreprises du secteur informel,  le sous-emploi pourrait continuer de masquer le chômage et la pauvreté, tares sociales à conséquences fâcheuses.

Puisqu’il s’explique en réalité par le fait que des jeunes qui se retrouvent au chômage se trouvent contraints de mener des activités de survie.

Or selon un rapport de la banque mondiale, l’endémie de la covid-19 a fragilisé la vie sociale des populations camerounaises, et a été à la base de la perte de plusieurs emplois. En tout état de cause, si aucune mesure n’est prise, le phénomène est loin d’être éradiqué. MN

  • Abonnez-vous à notre Newsletter et recevez régulièrement l’essentiel de l’actualité camerounaise dans votre boîte mail. S’abonner ici

Soyez le premier à laisser un commentaire on "Facteurs explicatifs du sous-emploi des jeunes camerounais"

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.


*