Fin de l’Opération Barkhane : Faiblesse des Etats francophones du Sahel

Opération BarkhaneLe président français Emmanuel Macron se tient à côté du logo de l’Opération Barkhane, la plus grande opération militaire française outre-mer, à Gao, au nord du Mali, le vendredi 19 mai 2017. Photo : (Christophe Petit Tesson, Piscine via AP)

Emmanuel Macron a annoncé que l’opération Barkhane, la force antiterroriste française de lutte contre les djihadistes au Sahel, prendra fin au premier trimestre de 2022.

Cela fait suite à une annonce récente où le président français envisage de réduire de moitié la présence française au Sahel et de réorganiser ce qui restera des forces régionales spécialisées, tout en contribuant à la Task Force Takuba, la force de l’Union Européenne récemment créée avec un mandat similaire à celui de Barkhane.

Ces développements sont l’occasion de se pencher sur la trajectoire militaire française depuis 2013.

De l’opération Serval à l’opération Barkhane

La trajectoire militaire française actuelle au Sahel date de 2013. Répondant à un appel du gouvernement malien, la France a lancé l’Opération Serval, intervenant militairement pour arrêter ce qu’on croyait être un assaut jihadiste imminent sur Bamako, la capitale.

À la demande des gouvernements de la région, les Français restent et l’Opération Serval, centrée sur le Mali, se transforme en Opération Barkhane plus vaste, avec une focalisation multi-pays mais toujours sur les déprédations djihadistes.

Les forces françaises, au nombre de 5000 environ, ont opéré principalement au Mali, au Burkina Faso et au Niger, avec une base importante à N’Djamena, au Tchad, mais avec des bases plus petites ailleurs.

La stratégie française a été de repousser les djihadistes pour permettre aux Etats de la région de développer leur capacité à assurer leur propre défense.

L’internalisation

Plus leur présence allait dans la durée, plus les Français cherchaient à « internationaliser » leur engagement, en sollicitant la participation d’autres Etats de l’UE (Takuba) pour compléter Barkhane et la MINUSMA, la force de maintien de la paix de l’ONU au Mali, et en insistant sur le fait que les gouvernements africains menacés devaient prendre l’initiative.

Les gouvernements successifs américains ont soutenu l’approche française et fourni une assistance logistique. La stratégie n’a pas été couronnée de succès, les groupes djihadistes semblant se renforcer de plus en plus.

En 2021, la menace jihadiste est plus importante qu’en 2013, suscitant l’inquiétude même en Côte d’Ivoire et au Sénégal. Rétrospectivement, la présence militaire française a été trop faible dans une vaste région pour être transformatrice.

L’influence française sur les gouvernements africains francophones

Les gouvernements soutenus par la France sont largement dirigés par des élites isolées des populations qu’elles prétendent gouverner. Les services de sécurité intérieure sont régulièrement accusés de violations des droits de l’homme.

L’engagement politique, économique et surtout culturel de la France dans ses anciennes colonies africaines a été plus important que celui des Britanniques dans les leurs.

Les gouvernements français successifs ont vu dans leur influence sur les gouvernements africains francophones un renforcement de leur propre position internationale, notamment dans les enceintes multilatérales caractérisées par le système « un pays, une voix «, comme l’Assemblée générale de l’ONU ou l’Organisation mondiale du commerce.

Néanmoins, ces liens entre la France et le Sahel francophone se sont visiblement effacés depuis 2013, du moins en partie à cause de l’échec militaire français dans la lutte contre le terrorisme djihadiste dans la région.

Les voix africaines considèrent la collaboration avec la France comme « néocoloniale » et accusent l’armée française de violations des droits de l’homme, principalement de bombardements.

Barkhane impopulaire en France

En faisant face à une rude concurrence pour sa réélection présidentielle en 2022, Macron répond au moins en partie à l’absence de soutien de l’opinion publique à la poursuite de l’engagement militaire au Sahel.

Barkhane est de plus en plus impopulaire en France, et la tolérance à l’égard des pertes françaises – qui, en fait, ont été peu nombreuses – est faible. Certains détracteurs du président qualifient la mission française au Sahel de «petit Afghanistan. »

La question d’une présence islamiste en France est distincte de la question de la présence militaire française au Sahel.

L’intégration de l’importante population musulmane du pays – et les conditions de cette intégration – est une question de politique intérieure française majeure, susceptible de jouer un rôle majeur dans les élections présidentielles.

Toutefois, la majorité de la population musulmane de France est d’origine nord-africaine, et non sahélienne.

Si les Sahéliens francophones occupent une place importante en France, notamment dans le domaine des arts et de la mode, ils sont peu nombreux par rapport aux millions de Français d’origine et de descendance algérienne, marocaine et tunisienne.

Des Etats sahéliens faibles

Il est difficile de voir comment une présence militaire française réorganisée et réduite, renforcée par l’appui international, peut enrayer le djihadisme en l’absence de réforme de la gouvernance dans les États assiégés.

Les États francophones de la région sont faibles et s’affaiblissent davantage. Difficile de ne pas conclure qu’un retrait français accélérera la domination djihadiste sur de vastes régions du Sahel, avec une instabilité croissante qui menacera les intérêts occidentaux, pas seulement français.

À cet égard, un parallèle avec l’Afghanistan pourrait s’avérer utile, car le retrait américain conduit à ce qu’un nombre croissant de régions du pays tombent sous le contrôle des talibans revanchistes.

Toutefois, les talibans semblent plus cohérents que les djihadistes sahéliens, souvent divisés en factions mutuellement hostiles. Leur manque d’unité pourrait donner un répit au Sahel. MN

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