Le Cameroun en Allemagne…

L’architecture institutionnelle de la coopération germano-camerounaise

La Maison de la coopération allemande : telle est la devise du bureau régionale du GIZ ou Deutsche Gesellschaft für Internationale Zusammenarbeit, instrument opérationnel de coopération internationale entre le Cameroun et l’Allemagne.

Une collaboration dont les axes sont planifiés par le Ministère Fédéral de la Coopération Economique et du Développement (Bundesministerium für wirtschaftliche Zusammenarbeit und Entwicklung- BMZ).

Elle est exécutée aussi bien par GIZ que par KFW ou Kreditanstalt für Wiederaufbau-KFW, établissement allemand de la finance spécialisé pour la reconstruction. La coopération entre l’Allemagne et le Cameroun se décline en deux principaux mécanismes :

• La coopération bilatérale marquée par des rencontres entre les hauts responsables des gouvernements concernés. La plus récente est l’audience accordée par le Président de la République du Cameroun à M. Günter NOOKE,  représentant personnel pour l’Afrique de la chancelière Angela MERKEL, le 15 Février 2018. Les échanges de cette audience ont concerné certains maux auxquels l’État du Cameroun est confronté : la gestion durable des ressources naturelles ; la décentralisation et le développement économique et social.

• La coopération multilatérale ou modèle de coopération entre l’Allemagne et les pays d’une sous-région, concernés par la réalisation d’un projet ou d’un programme de développement. C’est le cas du Projet « Appui Régional à la Commission des Forêts d’Afrique Centrale (COMIFAC) qui implique conjointement la GIZ et les différents pays de la Communauté Economique des États de l’Afrique Centrale (CEEAC), en occurrence : le Burundi, le Cameroun, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale, la République Démocratique du Congo, la République Centrafricaine, le Rwanda, São-Tome et Principe, le Tchad).

Approches Top-down et Bottom up de la coopération allemande au Cameroun

L’Allemagne intervient dans plusieurs secteurs sociaux pour contribuer à l’amélioration des conditions de vie des populations au Cameroun.

L’approche Top-down concerne les nombreux projets de développement qui ont été réalisés grâce à l’assistance financière et technique du GIZ et du KFW. La banque des projets de GIZ est assez conséquente et pluridimensionnelle. Il convient tout de même de mentionner en guise d’illustration :

• Le Programme Développement Rural au Cameroun (2016-2020) supervisé par BMZ, GIZ et le Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural (MINADER) 

• Le Projet Forets et Environnement (2020-2022) conduit par BMZ, GIZ et le Ministère de la Décentralisation et du Développement Local (MINDDEVEL) 

• Le Projet d’appui à la résilience socio-économique des jeunes vulnérables des communautés localisées à l’Extrême-Nord (Mayo Tsanaga, Mayo Sava, Logone et Chari, Diamaré, Mayo Danay, Mayo Kani) ; au Nord (Faro, Bénoué, Mayo Louti, Mayo Rey) et dans l’Adamaoua (Mayo Banyo, Faro et Deo, Vina, Mbéré, Djérem)  

• Le Programme pour la Création et le Renforcement des Unités de Police de plusieurs Pays d’Afrique (2019-2022), managé par BMZ, GIZ et la Délégation Générale à la Sureté Nationale (DGSN)…

L’approche Bottom-up concerne les programmes d’assistance et d’aide aux associations et structures privées d’éducation, de recherche, de santé, de reconstruction psychologique, de sécurité sociétale et d’amélioration des conditions de vie des populations. C’est le cas :

• Des bourses d’études offertes par l’Office Allemand d’Echange Universitaire (Deutscher Akademischer Austauschdienst–DAAD) et Pain pour le Monde (Brot für die Welt) aux étudiants camerounais en cycle de Master et de Doctorat 

• Le financement du programme de formation du Réseau des Universités Protestantes d’Afrique (RUPA) par des bourses et séjours de recherche en Allemagne aux thésards de ces institutions

• Les possibilités de mobilité académique, attribuées aux enseignants camerounais pour des travaux dans les universités et centres de recherches allemands (bourse de recherche Humboldt) 

• Le Programme de Restructuration du Centre de Promotion du Bois à Yaoundé 

• L’Assistance au plateau technique de l’hôpital Protestant Norvégien situé dans la région de l’Adamaoua 

• La formation en Journalisme de Paix (dispensée à la Faculté des Sciences Sociales et des Relations Internationales de l’Université Protestante d’Afrique Centrale-UPAC)

• L’assistance aux personnes déplacées internes traumatisées par les confrontations armées au Nord-Ouest et au Sud-Ouest du Cameroun…

Insuffisances de la politique étrangère du Cameroun en Allemagne

Du 17 au 18 Mars 2018, il s’est tenu à Baden Baden, un sommet du G20 marqué par la création du projet Compact With Africa, qui visait :

• la promotion de l’investissement et le financement privés

• le développement des infrastructures de qualité

• l’amélioration de la croissance économique inclusive et de l’emploi en Afrique. Cinq pays d’Afrique étaient présents (la Côte d’Ivoire, le Maroc, le Rwanda, le Sénégal et la Tunisie)

Le Cameroun s’est démarqué par une absence interpellatrice, au regard de la forte communauté camerounaise en Allemagne (24000 âmes en 2019) et le rang (15^e) honorable et apprécié des étudiants par les universitaires germaniques.

La diplomatie camerounaise en Allemagne est de moins en moins audacieuse. Pourtant, l’Allemagne est la terre de résidence d’éminent chercheurs, créateurs et innovateurs qui contribuent d’une façon ou d’une autre, au rayonnement géoéconomique germanique. Il convient de citer en illustration :  

• Prof. David Simo, intellectuel transfrontalier dont la pensée culturaliste est partagée par les épistémologues allemands

• Prof. Dr.-Ing. Mbang Sama, expert de haut niveau dans la transformation numérique, l’industrie 4.0 et les technologies associées de numérisation 

• David Mola, expert en énergie solaire 

• Francis Pouatcha, co-fondateur d’adorsys, une société de technologie de l’information avec des opérations en Europe, aux États-Unis et en Afrique.

Le site internet du Verein Kamerunischer Ingenieure und Informatiker(VKII) renseigne de manière explicite sur la biographie et le profil de ces nombreux talents et génies d’origine camerounaise qui se distinguent dans leurs domaines en Allemagne et dans le monde.

Face au mutisme et à l’inertie de la diplomatie économique camerounaise, la nomination de Victor Ndocki peut-elle suscitée un espoir à la régénération de celle-ci ?

Victor Ndocki face à une économie allemande compétitive, réaliste et efficace

 Âgé de 65 ans lorsqu’il s’est vu confier cette nouvelle mission d’ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Cameroun en Allemagne, Victor Ndocki figure parmi ces haut-fonctionnaires de l’État dont la trajectoire professionnelle ascendante l’a conduit au sommet de la pyramide des décisions de sécurité nationale.

Il fut notamment Secrétaire Général de la DGSN (Délégation Générale à la Sureté Nationale) au moment de son départ à la retraite.

Ancien commissaire divisionnaire de police, son parcours professionnel dans la sécurité et le renseignement ne le prédispose pas vraiment à diriger la diplomatie camerounaise dans un pays dont l’action est notamment portée vers le succès économique.

Victor Ndocki a fait son parcours dans une administration dont l’État est le principal pourvoyeur d’emplois, à travers les divers recrutements au sein des institutions de la fonction publique camerounaise. Il n’est pas un personnage habitué aux exigences de l’industrialisation, de l’entreprenariat et de l’innovation technologique qui caractérisent les économies des pays développés.

Le modèle allemand est construit autour des indicateurs économiques qui permettent son rayonnement sur la scène internationale : la forte compétitivité des entreprises allemandes qui disposent d’un appareil productif performant, des biens de haut de gamme (industrie automobile) et ceux de moyenne gamme (biens d’équipement ou matériel électrique).

Une situation d’emploi marquée par un taux de chômage de la population active, estimé à 3,7% en 2016 et qui ambitionne le chiffre de 3% en 2025. Une gestion rigoureuse des dépenses ayant contribué à assainir la dette publique évaluée en 2016 à 68,3% du PIB.

Les instruments d’une diplomatie économique efficace et réaliste, expérimentés depuis le Sommet du G20 de Baden baden sont :

• Le projet Compact with Africa dont le Cameroun n’a pas été impliqué

• Le programme Pro! Africa Concept initié en 2017 au sommet du Forum Economique Mondiale de Durban qui ambitionne de stimuler l’entreprenariat et les affaires en Afrique

• Le Plan Marshall pour l’Afrique, favorable à la création des emplois pour les jeunes afin de lutter contre l’immigration illégale

N’ayant pas un profil d’économiste, il ne fait aucun doute sur la complexité de la mission assignée à Victor Ndocki dont une attente majeure serait de contribuer au développement de la diplomatie économique du Cameroun.

Enfin, sur un tout autre plan, celui du profil de carrière de ses homologues ambassadeurs de l’Allemagne en poste au Cameroun, Victor Ndocki se démarque par une identité professionnelle assez ambigüe.

Ancien commissaire de police adepte du renseignement, ce profil professionnel ne le rapproche directement de celui d’académicien et de chercheur qui caractérisent les ambassadeurs de l’Allemagne en mission au Cameroun.

En effet, une tradition de l’administration de la chancelière Angela Merkel consiste à affecter au Cameroun des « Ambassadeurs Docteurs », qui sont dotés d’un bagage épistémologique prédisposant à la recherche empirique et heuristique des idées et des opinions nouvelles constructives ou innovantes.

C’était le cas du Dr. Hans-Dieter Stell titulaire d’un doctorat en sciences politique. C’est également le cas du Dr Corrina Fricke, nantis d’un doctorat en langue et littérature allemande.

Le multilatéralisme est de plus en plus considéré comme une passerelle idéologique de reconstruction des tenants et aboutissants de la politique étrangère du Cameroun.

Pour ce faire, une ouverture attentive sur les modèles diplomatiques puissants et influents, à l’instar de la diplomatie économique allemande compétitive, créative et innovante qui a été au centre de cette analyse, serait un souffle nouveau pour la réinvention d’une diplomatie camerounaise audacieuse, ambitieuse et humaniste. MN

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