Kaïs Saïed – Le chemin d’un homme mystérieux vers Carthage

Kaïs Saïed - Le chemin d'un homme mystérieux vers CarthageDans un système politique défaillant qui ne reflète pas la moindre ambition de la révolution, Kaïs Saïed arrive sans parti et sans soutien parlementaire significatif, mais prêt pour se battre afin de rendre le pouvoir au peuple. © Houcemmzoughi, Wikimedia Commons, CC BY-SA 4.0 [https://t1p.de/fvve]

La veille des élections d’octobre 2019, les Tunisiens traînaient encore le fardeau économique, social et politique d’une révolution assassinée devant leurs yeux avant même de pouvoir déployer ses ailes.

Un peu plus de la moitié ne se sentaient même pas concernés par ces élections alors que d’autres ont encore une fois succombé aux promesses périmées. Pourtant les urnes cette fois ci sentaient un vieil air de jasmin venant d’un rêve pour longtemps égaré.

Kaïs Saïed, un homme au regard déterminé avance à pas sûrs et avec une posture droite tel un messager qui malgré ses airs sérieux et réservés, ne peut cacher sa fierté d’avoir été élu pour une « mission sacrée ».

Qui est Kaïs Saïed ?

Il est difficile de dresser fidèlement le portrait d’un personnage aussi emblématique que Kaïs Saïed. Son parcours est loin d’être atypique, il est issu du cœur de la classe moyenne tunisienne, fils d’un fonctionnaire et d’une femme au foyer, il a forgé son savoir et construit son bagage au sein des établissements de l’enseignement public tunisien. Juriste de formation, Kaïs Saïed s’est vite retrouvé une vocation pour le droit constitutionnel.

Un enseignant très proche de ses étudiants !

Kaïs Saïed était enseignant assistant et directeur du département de droit public à l’université de Sousse puis à faculté de sciences juridiques et politiques de Tunis. Il a très peu de publications et sa thèse de doctorat a même été rejetée, ce qui annonçait déjà un profil marginalisé qui sortait du lot.

Malgré ses airs sérieux et rigides, il a su impressionner et inspirer beaucoup de ses étudiants. Ces derniers sont restés fidèles à leur respectueux professeur et n’ont pas hésité à le soutenir quelques années plus tard.

Un inconditionnel du droit constitutionnel !

Kaïs Saïed a été secrétaire général puis vice-président de l’Association tunisienne de droit constitutionnel, membre du groupe d’experts du secrétariat général de la Ligue arabe et expert auprès de l’Institut arabe des droits de l’homme. 

On dirait presque que son amour pour le droit constitutionnel est une religion, il est droit et juste dans ses gestes, ses faits et paroles à l’image même de la constitution. Il a toujours été fidèle à une lecture profonde et transversale de la constitution qui tient compte des circonstances et de tous les aspects de la législation.

Un militant qui a su rester fidèle à la révolution !

L’engagement politique de Kaïs Saïed s’est fait tout naturellement avec la révolution mais contrairement aux vieux militants il ne s’est point précipité vers l’arène du combat.

Il a préféré rester dans l’ombre pour soutenir, travailler, écouter, partager son savoir et son expertise et s’imprégner des idées des jeunes révolutionnaires pendant plusieurs années.

Comment a-t-il gagné la confiance des jeunes ?

Le réseau d’étudiants de différentes générations construit au fil des années a contribué d’une façon ou d’une autre à bâtir la réputation exemplaire de Kaïs Saïed. Son personnage était à la fois imposant et intrigant pour la plupart des Tunisiens qui l’ont découvert dans les plateaux télévisés avec sa diction monotone en arabe très soutenu qu’on assimilerait presque à de la prose.

Pour ses étudiants comme pour les jeunes qui l’ont découvert et côtoyé après la révolution, Kaïs Saïed est resté toujours le même, toujours fidèle à ses principes mais encore plus fidèle aux idées prônées lors de la révolution.

Les jeunes rebelles ont vu en lui le chevalier qui va sauver et rallumer les feux de leur révolution. Il incarne perspicacité, éloquence et lucidité pour rompre parfaitement avec l’hypocrisie d’une classe politique corrompue qui a trahit les attentes des jeunes.

Une campagne électorale hors normes !

Les jeunes qui ont amorcé la révolution, n’ont finalement pas demandé la lune, ils ont clamé et formulé dans leur langue des demandes toutes simples. Face à l’énergie, l’ingéniosité et la créativité de ces jeunes, émerge une classe politique momifiée sans vision et sans visibilité pour s’approprier le terrain et improviser leurs propres rêves.

La campagne de Kaïs Saïed était à l’image de tous ces jeunes, authentique, simple, pure mais profonde et touchante. Une campagne sincère qui pour une fois ne sentait pas d’argent sale mais plutôt l’odeur du rêve et du jasmin.

Kaïs Saïed, étant pourtant un simple professeur universitaire, a refusé le financement accordé par l’Etat pour les campagnes électorales et il n’a compté que sur la volonté et l’engagement sincère des jeunes qui le soutenaient.

Son unique programme et projet est celui de la volonté des jeunes !

Dans un système politique défaillant qui ne reflète pas la moindre ambition de la révolution, Kaïs Saïed arrive sans parti et sans soutien parlementaire significatif, mais prêt pour se battre afin de rendre le pouvoir au peuple et combattre la corruption en plaidant pour la mise en place d’un système de décentralisation déployé sous forme de conseils locaux élus qui seront responsables de nommer leurs propres représentants.

Un homme rêveur et révolutionnaire

Kaïs Saïed, un homme rêveur et révolutionnaire qui a signé un parcours exceptionnel vers la présidentielle. Ce chef d’état hors norme qui continue à être incompréhensible, énigmatique et l’objet de moqueries pour certains, n’a pourtant pas cessé de faire parler de lui tant par son silence que par ces paroles.

Plus d’une année s’est écoulé déjà depuis son élection, la Tunisie se demande encore s’il ne s’agit que d’un Don Quichotte ou bien d’un vrai protagoniste du changement. MN

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