Le beau futur de la littérature camerounaise

la littérature camerounaise

Littérature camerounaise – Peu de personnes le savent, mais le Cameroun, pays d’Afrique centrale, est un État avec un taux d’écrivains par habitant parmi les plus élevés au monde. Et les intéressés de littérature devraient bien connaitre les grands noms tels que Mongo BETI, Ferdinand OYONO ou Delphine TSANGA.

Mais ces noms, même si en effet bien connus, sont ceux des anciens qui, par leurs travaux, ont donné à la littérature camerounaise son fondement. Sur ce fondement bâtit aujourd’hui une nouvelle génération. Elle est différente et revendique sa singularité. Ce sont les nouveaux messagers de l’âme camerounaise. MUNTUNEWS CAMEROUN se propose de vous présenter quelques-uns.

Blick BASSY

Blick BASSY part de la musique pour la littérature. Mais qu’il chante ou qu’il écrive, c’est la même posture artistique qu’il prend, et c’est en substance le même message qu’il divulgue : L’urgence d’un retour aux sources. En le jeune Blick BASSY, c’est l’âme d’un vieux qui parle et qui conseille. Il cultive en tout le conservatisme.

« Regardez comment nous sommes perdus aujourd’hui. Regardez, nous ne connaissons pas nos histoires. Regardez comment nous sommes perdus. Regardez, sachez que l’espoir du Mpodol vit dans notre sang. Le savez-vous? » martèle-t-il dans son hommage au « Mpodol » (le porte-parole, celui qui porte la parole des siens) Um NYOBE, nationaliste camerounais du mouvement indépendantiste, exécuté par des colons français en 1958, élevé plus tard au rang d’ »Héro national » par l’État du Cameroun.

L’art chez Blick BASSY n’est pas pour soi-même. Il fait le choix de la rendre utile, et la met au service de sa quette de sagesse ancestrale. Il est à la recherche de l’Afrique précoloniale, de son Cameroun, du pays et de la culture Bassa’a dont il revendique l’appartenance sans toutefois le dire explicitement.

Son roman « Le Moabi Cinéma » prétend certes traiter de la question de l’immigration clandestine. Mais ce n’est qu’une apparence. Car on lit entre les lignes que là aussi, il s’agit encore du même appel qu’il lance à ses semblables, celui du retour aux sources en vue de la réappropriation de l’identité africaine.

Christelle Nadia FOTSO

Christelle Nadia FOTSO est une juriste de profession. Elle est par ailleurs camerounaise, mais uniquement lorsqu’elle se bat. Car, affirme-t-elle, elle est américaine lorsqu’elle pense, et latine lorsqu’elle aime. En tout état de cause, elle est une écrivaine, une poète pour dire les choses de façon plus précise.

Son expression est libre et directe. Elle n’est jamais lâche. Au contraire, elle est toujours à la recherche du bon mot, de l’adjectif adéquate, de la phrase pleine de sens. Elle évite en tout l’ambiguïté, et travaille à être comprise comme il le faut. Sa liberté de ton est proportionnelle à la sincérité de sa démarche.

Elle n’a pas peur d’aller contrecourant et d’affirmer que la femme est surtout acteur du désir (Amoureuse du Diable), qu’elle « aime, blesse, châtie, et peut faire le choix de la soumission. » Dans son roman « Défigurée », elle s’impose d’accepter la complexité de l’Homme public qu’est son père. Elle s’impose cet exercice en traitant de ses contradictions avec une sincérité cruelle dont seul un être aimant peut faire preuve.

Jo GÜSTIN

Il n’est pas difficile de mettre en évidence que Jo GÜNSTIN est une écrivaine engagée. Car elle ne s’en cache pas, elle le dit ouvertement à qui veut bien l’écouter. Elle ne se cache notamment pas pour mettre en cause le racisme antinoir; elle fait sienne les problèmes de la femme camerounaise, ses difficultés en tant qu’épouse, mère, fille et sœur. Jo GÜNSTIN est fondamentalement une anticonformiste.

L’une des questions au centre de sa vaste réflexion est celle de l’identité. Elle aborde cette question avec beaucoup de courage, la problématise ; elle pousse l’audace si loin qu’elle n’hésite pas à créer des néologismes afin de mieux appréhender les choses, et de pouvoir du reste en parler librement avec le public.

L’identité pour Jo GÜNSTIN ne touche cependant pas seulement la question raciale. Elle lui accorde certes une grande part de sa réflexion et de son combat. Elle dit en l’occurrence, et ce avec beaucoup de sérieux : « Être noire, c’est difficile à faire. »

Mais l’identité pour elle est aussi sexuelle. Elle ne parle pas d’orientation, mais de genre. Elle est bien consciente de que cette posture ne fait pas l’unanimité chez les siens, dans son Cameroun, son Douala natal qui lui est si cher.

Dans son roman « Ah Sissi, il faut souffrir pour être française! », elle met en lumière les difficultés que les personnes d’origine et d’apparence étrangères ont d’être perçues et d’être abordées comme français et comme françaises, sans condition aucune.

Jo GÜNSTIN a quitté la France. Elle a tourné le dos aux difficultés décris dans son roman, et vit désormais au Canada.

Max LOBE

En parlant publiquement de ses romans, en essayant d’expliquer ses intentions aux lecteurs, Max LOBE se limite à faire cas de son pays natal, le Cameroun. Il parle du Cameroun et non de l’Afrique. Il reconnait à cet égard la complexité du continent, et se refuse d’être érigé en porte-parole de tout un continent.

Il est juste de dire qu’il parle du Cameroun, puisqu’il le fait, en effet. Ses romans en sont la preuve. Mais il serait encore plus précis de dire qu’il cherche le Cameroun en parlant de lui. Bien qu’y ayant grandi, il reconnait ne pas savoir grand chose de son pays. Il s’en rend compte et décide de se mettre à l’école de son histoire.

Dans son roman « Générations », il entre en contact avec une dame qui le confronte avec le passé douloureux de ses ancêtres. Dans « Loin de Douala », il découvre le nord du pays, il s’imprègne des souffrances des populations.

En tout, et ceci ne lui est pas singulier, il se met dans la posture d’un médiateur entre deux mondes, à savoir le monde où il vit aujourd’hui, la Suisse, la France, et celui d’où il vient, le Cameroun, le pays Bassa’a. Il est à cet égard conscient de ce qu’il n’est que peu lu par les siens, les camerounais.

Il s’adresse ainsi certes aux siens dans un langage dont eux seuls mesureraient toute la portée s’ils daignaient le lire; mais il s’attèle toujours à expliquer les choses, et à mettre à l’aise son public de fait, la Suisse et le monde francophone occidental.

Muriel MBEN

Muriel MBEN ne se voit pas comme une écrivaine au service de la seule cause africaine. Elle revendique une certaine neutralité à cet égard. Elle refuse en tout cas d’être perçue comme une ambassadrice de l’Afrique auprès du monde occidental dans lequel elle vit et écrit.

Elle se considère comme écrivaine tout court. Et si ses œuvres traitent de vécus africains, elle ne les présente jamais comme des particularismes, des faits propres aux seuls africains. Aussi donne-t-elle à tout ce qui est vécu et raconté dans ses écrits la marque de l’universalité.

Mais que l’on ne se méprenne pas. Car il ne fait l’ombre d’aucun doute que Muriel MBEN est une camerounaise. Sa camerounité n’est cependant pas prise au seul sens formel du terme. Dire que Muriel MBEN est camerounaise signifie que c’est d’où elle part intellectuellement.

Et on ne saurait comprendre ses écrits sans connaître leur base. Car le Cameroun n’est pas un simple lieu d’origine, dans lequel est bien née et a passé une bonne partie de sa vie. Le Cameroun est plus que ça : il est la source profonde de son art. Et même si elle n’y vit plus, elle porte ce pays, ses habitants, ses cultures en elle.

Léonora MIANO

Léonora MIANO appartient à la nouvelle génération d’écrivains camerounais qui revendiquent l’universalité de leurs écrits. Elle s’inscrit dans la mouvance de la « Weltliteratur », et s’applique à traiter de sujets à caractère universel. Concernant la lutte contre les discriminations, le racisme antinoir, elle prend là aussi une posture de hauteur.

Elle reconnait l’importance d’une fréquentation du passé, mais s’inscrit en faux contre la victimisation (l’ontologie victimaire). Le passé, dit-elle, doit être fréquenté non pas pour la lamentation et la victimisation, mais pour se confronter à son ombre, pour nommer les douleurs et les congédier.

Léonora MIANO est aujourd’hui l’une des écrivaines camerounaises les plus connues dans le monde. Son travail fut honoré à plusieurs reprises à travers l’attribution de divers prix littéraires.

Michel TAGNE FOKO

Pour Michel TAGNE FOKO, la littérature doit avoir une « substance humaine ». Elle doit enseigner, éclairer et promouvoir l’Homme. Elle ne serait que fiction si elle ne mettait pas l’Homme au centre de tout.

Car au-delà de l’écrit, il y a le vécu concret, il y a l’humain, l’humain d’abord. Michel TAGNE FOKO est au fond un écrivain engagé. L’écriture est mise au service des messages qu’il juge important pour la formation des masses.

Il parle de pauvreté, de générosité. Il met en évidence la nécessité de la bonté gratuite dont l’être humain peut faire preuve s’il on lui donne l’occasion de se déployer en toute sincérité. Michel TAGNE FOKO est de ce point de vue un optimiste. Mais réaliste il est aussi quand il fait cas des cultures d’Afrique noire, quand il rend vivantes les coutumes ancestrales.

Mais au-delà de toutes ces qualités, Michel TAGNE FOKO est surtout un homme de conviction. Comme tous les activistes intellectuels « de terrain », qui font siennes les causes des autres, il est tranché, jamais ambiguë. Ses écrits sont clairs et facile d’accès. Il veut être compris et s’y applique.

Éric ESSONO TSIMI

Pour Éric ESSONO TSIMI, l’on n’est pas auteur africain pour la seule raison que l’on soit originaire d’Afrique. Que d’en avoir la prétention, il vaut mieux d’être auteur tout court. Mais si Éric ESSONO TSIMI n’est pas forcément un auteur africain pour la seule raison de ses origines, ou un auteur afrocain à cause de sa seule apparence, il n’est certainement pas un auteur tout court.

Éric ESSONO TSIMI accorde une grande importance à la pensée, la pensée définit ici comme courant philosophique. L’existentialisme notamment semble être son courant préféré. Dans son roman « Les Ex ne meurent jamais », il écrit en l’occurrence : « On nait à son insu, on grandit sans s’en rendre compte, on vieillit malgré soi et on meurt à son insu, en ‘laissant derrière’ le mystère tout entier à lui-même. » MN

À lire aussi : «Les Impatientes» Ce roman mérite-t-il les égards qui lui sont accordés

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