Le Nigéria comme puissance régionale : Ses relations avec le Cameroun

Le président du Cameroun Paul Biya (2-R) reçoit son homologue nigérian Muhammadu Buhari (2-L) à l’aéroport international Yaoundé Nsimalen de Yaoundé, Cameroun, le 29 juillet 2015. Le Président Buhari est en visite officielle de deux jours, au cours de laquelle il discutera de l’insurrection de Boko Haram dans la région. EPA/STR + + (c) picture alliance / dpa | Str

Les principaux indicateurs de puissance régionale du Nigéria

La croissance démographique exponentielle

La démographie du Nigéria est un atout à la puissance régionale de ce pays. La croissance exponentielle de la population est passée de 38 millions en 1950 à 190 millions en 2018 et 210 millions d’habitants en 2021. Les estimations prévoient une multiplication de celle-ci en 2050 pour atteindre près de 410 millions d’habitants.

La croissance démographique prédispose à une main d’œuvre abondante qui, d’après le modèle du dualisme économique, est nécessaire pour la mise en valeur des différents secteurs de production, d’industrialisation et de commercialisation des biens de première et seconde nécessité.

Une économie régionale conquérante

1er producteur mondial d’huile de palme ; plus gros producteur d’arachide ; 3e producteur mondial de cacao ; découverte des gisements de pétrole (depuis 1956) : tels sont les principaux marqueurs de développement économique du Nigéria au 1er octobre 1960, jour de l’indépendance de ce pays.

 Six décennies après, l’économie du Nigéria est, en Afrique, l’une des plus : dynamique (8e rang mondiale en termes de population) ; ambitieuse (faire du Nigéria l’une des 20 premières économies mondiales en 2050) et innovante (une économie qui s’adapte aux exigences de la numérisation et de la digitalisation).

Ce qui justifie une place de choix qu’elle occupe dans ses rapports avec les pays voisins immédiats et le reste du continent africain. Elle est, entre autres : 1ere  économie africaine en 2014 devant l’Afrique du Sud ; 1ere économie d’Afrique au Sud du Sahara depuis 2019 ; 8e pays producteur mondial du pétrole avec 02 million de barils quotidiens ; 2e producteur mondial de cacao (250000 tonnes/an) derrière le Ghana; premier producteur de manioc et d’igname d’Afrique, 4e dans le domaine du bétail en Afrique …

La renaissance des légendes culturelles

Cumulant environ 110 millions de vues au compteur sur YouTube avec son titre fall, l’artiste Nigérian Davido (16e personnalité influente africaine en 2020) fait partie de cette génération qui réinvente et commercialise de manière prolifique le patrimoine culturel du Nigéria.

Il s’inscrit ainsi dans une génération audacieuse de musiciens dont Burna Boy (6e personnalité influente africaine en 2020) se veut le porte étendard. Ces ambassadeurs de la culture nigériane se distinguent par leur capacité à mélanger des rythmes traditionnels du Nigéria et du Ghana (Afro-pop ghanéen, hiplife, azonto et dancehall), pour créer l’Afrobeats qui est autant vendu.

De jeunes entrepreneurs férus des TIC

Une particularité de la puissance régionale du Nigéria est la régénération d’une culture de l’entreprenariat des jeunes passionnés des TIC. Un regard panoramique du paysage médiatique et technologique du Nigéria est plus explicite sur l’apport des TIC au rayonnement de la diplomatie économie de ce pays.

Ceci se traduit par des faits qui suscitent la considération manifestée envers le Nigéria par les pays voisins : l’implantation au Nigéria des groupes influents du paysage audiovisuel et informatique mondial (Universal Music ; Sony ; IBM ; Google ; Facebook ; MTN Nigeria ; MainOne; Nollywood qui produit en moyenne 1770 films/an depuis 2018.

Le paysage numérique constitue un levier de la croissance économique. La Yabacon Valley attire des investisseurs providentiels et ceux en capital-risque, des passionnés et des professionnels des médias du monde entier.

Des startups dynamiques du commerce électronique (Jumia, Konga, Carmudi et Jovago), de la logistique (Kobo 360), de la santé (Lifebanks) et des plateformes de réservation (Hotels.ng) sont légions dans ce pays. Elles servent aussi de bouclier virtuel contre les cyberattaques dont pourraient être victimes ces firmes internationales, instruments du développement économique et de la puissance régionale du Nigéria.

La Puissance régionale du Nigéria : une opportunité pour l’économie camerounaise

Accords de coopération économique entre le Cameroun et le Nigéria

Nombreux sont les accords ratifiés entre le Cameroun et le Nigéria depuis 1963 sur divers aspects de coopération bilatérale. L’accord commercial du 06 Février 1963 (révisé le 13 janvier 1982 et le 11 avril 2014), a contribué à densifier les échanges commerciaux entre ces deux pays.

Le ratio de ces échanges commerciaux reste cependant défavorable pour le Cameroun. En effet, en 2015, le Nigéria exportait vers le Cameroun à hauteur de 452 milliards 18 millions de franc CFA, contre des exportations du Cameroun vers le Nigeria évaluées à 39 milliards 531 million de franc CFA.

Cependant, à considérer le potentiel hydroélectrique du Cameroun, il est important de noter que celui-ci constitue une piste de solution aux pénuries en électricité dont le Nigeria fait face. La capacité électrique réellement disponible sur le réseau d’électrification du Nigeria est de 5000 MW pour une demande minimum d’environ 20 000 MW.

La construction du barrage de Grand Eweng au Cameroun, en partenariat avec la compagnie américaine Hydromine, dont le chantier sera livré en 2028, est une possibilité d’exportation de l’énergie hydroélectrique à destination du Nigeria.

Mutualisation des efforts et politiques de sécurité militaire

Depuis 2013, la frontière commune du Cameroun avec le nord du Nigeria est devenue une source d’insécurité en raison des activités transfrontalières du Jama’atu Ahlis Sunnah Lidda Awati Wal Jihad, qui signifie « Les gens engagés dans la propagation des enseignements du prophète et du Jihad», communément appelé Boko Haram, qui veut littéralement dire, l’éducation occidentale est un péché, en langue haoussa. Face à cette menace collective, la riposte fut également collective.

Fondée le 21 mars 1994 pour lutter contre la criminalité transfrontalière et le grand banditisme. Placée à son origine sous l’égide de la Commission du Bassin de Lac Tchad (CBLT).

La Multinational Join Task Force-MNJTF ou Force Multinational Mixte instituée en 1998 et constituée des troupes militaires de quatre pays (Cameroun, Niger, Nigéria, Tchad), rejoint plus tard par le Benin, s’est vu attribué, en 2014, le mandat de lutter contre ce groupe extrémiste.

Face au problème de financement de cette FMM, le Nigéria est le pays qui s’est un peu plus investi économiquement parlant dans son fonctionnement, en plus de la dépense prévue pour accompagner le contingent du Nigéria affecté à cette lutte contre Boko Haram.

 Malgré les récentes attaques sporadiques et momentanées de ce groupe extrémiste, force est de constater que la communion des visions politiques et la mutualisation des moyens militaires a considérablement affaibli ces terroristes.

Elle a surtout permis de consolider la souveraineté politique et la sécurité économique des pays impliqués dans cette lutte anti-terroriste, principalement le Cameroun et le Nigéria.

La conciliation des valeurs culturelles entre le Cameroun et le Nigéria

L’industrie artistique du Nigéria a rapporté environ 115,5 milliards à l’économie britannique en 2014 et 698 milliards de dollars à l’économie américaine cette même année. Une exportation prolifique du modèle Naija (nom courant de la musique nigériane) qui n’a pas laissé indifférente la jeunesse camerounaise.

Ils sont nombreux, ces camerounais qui ont épousé la culture de l’Afrobeats, indispensable à la conquête du marché de 210 millions de nigérians, celui de 58 millions de sud-africains, le marché de 86 millions de congolais (RDC) tout comme celui de 62 millions de Tanzaniens.

D’après l’expert musical Camerounais Jake Daniel, le succès international du modèle Naija repose essentiellement sur : une sonorité urbaine très identifiable avec une qualité musicale et visuelle améliorée ; une démographie importante et un taux de pénétration d’Internet très conséquent ; une diaspora active qui sert de relais et d’écho partout où elle se trouve à travers le monde.

Le Cameroun réuni ces prédispositions technologiques et institutionnelles. Toutefois, il est important pour les artistes camerounais :

  • De définir et solidifier davantage leur identité musicale afro-urbaine, en se basant sur leurs rythmes folkloriques et en axant les créations sur une hybridation à coloration afro-urbaine. Cela s’impose pour être mainstream sur le continent et ailleurs. Salatiel, fondateur du label Alpha Better Records se démarque suivant cette logique et ceci fait sa renommée sur la scène internationale. Il est suivi dans cette perspective par un groupe de jeunes musiciens (Witty Minstre, Magasco, Vernyuy Tina, Awu, Kameni, Gasha, Mr. Leo) dont le titre Be Proud illustre cette volonté de régénération de l’Afrobeats camerounais.
  • De construire un catalogue musical urbain. Il faut revenir à la culture du label, car ce sont les labels indépendants qui boostent la transformation structurelle d’une industrie musicale. À cet exercice, Stanley Enow se démarque en tant que pionnier du hip-hop et de la musique urbaine camerounaise. Il a su conquérir les publics sud-africain et tanzanien. Il est suivi dans cette perspective par de jeunes musiciennes comme Daphné dont la notoriété dépasse les frontières camerounaises pour séduire le public congolais (RDC).

Dans cet environnement hypercompétitif, les jeunes talents peuvent compter sur un répertoire de musique camerounaise assez fourni que lèguent de nombreuses légendes (Manu Dibango, Richard Bona, Grâce et Ben Decca, Petit Pays, André Marie talla, Les Têtes Brulées…), pour challenger les 10 stars de la musique africaine à surveiller en 2021 (Elaine-Afrique du Sud ;  Fik Fameica-Ouganda; Gaz Mawete-République Démocratique du Congo ; Kabza De Small-Afrique du Sud ; KiDi-Ghana ; Omah Lay-Nigéria; Sha Sha-Zimbabwé ; Soraia Ramos-Cap Vert ; Tems-Nigéria et  Zuchu-Tanzanie). MN

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