Le Cameroun à la recherche d’une alternative crédible à la dictature

Le leader de l’opposition camerounaise du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC) et l’ancien candidat à la présidence Maurice Kamto pose lors d’une séance photo le 30 janvier 2020 à Paris. (Photo par STEPHANE DE SAKUTIN / AFP) (Photo de STEPHANE DE SAKUTIN/AFP via Getty Images)

Le 1er avril dernier, à travers une conférence de presse donnée à Yaoundé, les leaders de sept partis de l’opposition au Cameroun ont informé l’opinion nationale de leur intention de faire front commun à l’effet de travailler sur une réforme consensuelle du code électoral. Fait inédit, l’information a presque fait l’effet d’une bombe.

Mais ce soudain sursaut apparent peut-il apporter à l’opposition camerounaise la dynamique qui lui fait défaut dans sa marche vers l’alternance au sommet de l’État ?     

L’opposition au Cameroun cherche ses marques. Face à la dictature, elle a du mal à s’affirmer comme pouvant faire triompher sa voix lors des prochaines consultations électorales.

Si les dispositions de la constitution et la configuration du code électoral sont taillées à la mesure du parti-État, les goulots d’étranglements qui existent dans chacun des partis de l’opposition posent, eux aussi, problème.

Cependant, il est des hommes politiques au Cameroun, qui proposent des alternatives solides et crédibles à une dictature qui ne travaille chaque jour qu’à se pérenniser. Quelles en sont les forces et les faiblesses ?

Le SDF essoufflé…?

Le SDF présente, depuis quelques années, des signes d’essoufflement, après sa marche honorable de 1992. Arrivé à la quatrième place à l’issue de l’élection présidentielle d’octobre 2018 avec 3,35% des suffrages exprimés, le Président national de ce parti qui a charrié tous les espoirs d’alternance durant la décennie 90 est devenu très impopulaire, au sein même du parti.

Son Vice-Président Joshua OSIH NABANGUI est renié par Jean-Michel NINTCHEU, président du comité exécutif régional du SDF pour le littoral depuis quelques temps.

Au chapitre des griefs formulés à l’encontre de l’honorable Joshua OSIH, il y a sa participation à la cérémonie de prestation de serment du Président officiellement réélu, l’opacité entretenue autour de la gestion de la campagne présidentielle d’octobre 2018, et son association à la pétition adressée au Congrès américain à l’effet de soutenir le rapatriement de nombreux camerounais exilés aux États-Unis du fait de la guerre qui a fait son nid dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-ouest.

Plus grave encore, Jean-Michel NINTCHEU accuse le Vice-Président de son parti d’avoir été soudoyé par le RDPC pour aller aux élections de 2018 en sparring-partner du pouvoir.

« Que OSIH nous dise ce qu’il faisait au cabinet civil, qui est ce qu’il a rencontré, dans quel contexte, quel était l’adversaire à abattre, combien est-ce qu’il a reçu pour mettre des gens dans les bureaux de vote pour jouer au sparring-partner de monsieur BIYA parce qu’il savait que l’homme à abattre c’était plus BIYA, c’était KAMTO », a-t-il récemment déclaré sur les ondes de la radio Equinoxe. « OSIH a trahi tout le peuple camerounais », pouvait-on l’entendre conclure.

Cette guerre ouverte entre deux factions rivales au sein du SDF et sous le regard impuissant de John FRU NDI, actuel leader du Social Democratic Front, traduit le malaise qui y règne et la perte de vitesse qui caractérise sa position sur l’échiquier politique national.

Selon Richard NDE LAJONG et Elias NGALAME qui sont intervenus dans l’émission Scène de Presses du 22 mars 2021 sur la Crtv, il faut un mobilisateur de la trempe de FRU NDI pour remettre le parti sur les rails. Elias NGALAME pense d’ailleurs que « le parti va prendre une allure inattendue », si un homme de l’envergure du Député NINTCHEU venait à en prendre les règnes.

Le PCRN propose plus qu’il ne s’oppose

La Député Rolande NGO ISSI, membre suppléante du Conseil Supérieur de la magistrature, a lancé un pavé dans la marre en déclarant le 17 juin 2020 sur le plateau de l’émission « Arrêt Majeur » diffusée sur les antennes de la chaîne de télévision controversée Vision 4, que son parti n’est pas un parti d’opposition, mais qu’il est plutôt un « parti de proposition ».

Pourtant, au Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), certains élus ne cachent pas l’impuissance de la troisième force politique du Cameroun face à la machine du régime.

À la suite des élections du 18 mars dernier soldées par la reconduction de deux caciques du RDPC au perchoir du Parlement, l’honorable Nourane MOLUH HASSANA a exprimé son désarroi sur sa page Facebook. « Nous avons besoin de la majorité en 2025 ! Je vous invite à vous impliquer, devenons des acteurs et non des spectateurs de notre vie. »

Cette invite semble traduire le désespoir de l’élue du Wouri-Est quant à la force de changement dont le parti se prévalait à son entrée à l’Assemblée Nationale. Le Président de son parti, l’honorable Cabral LIBII, s’était contenté du poste de Secrétaire du bureau de l’Assemblée.

Quelques mois plus tôt, en décembre 2020, son parti avait essuyé une cuisante défaite, notamment dans le département du Nyong et Kelle, ainsi que dans le reste de la région du Centre.

Les résultats obtenus par le PRCN avaient suscité l’ire de Joseph Espoir BIYONG, 6e adjoint au Maire de Douala 5e. Celui-ci avait alors exprimé sans ambages son regret d’avoir accompagné son parti à ces élections.

On souligne cependant que l’honorable Cabral LIBII fait partie des leaders politiques de l’opposition qui ont initié le projet de révision de code électoral.

L’UDC se reconstitue

« Je vous annonce solennellement mon départ de l’UDC ». C’est par cette déclaration que Cyrille Sam MBAKA alors vice-président de l’UDC, jadis très proche d’Adamou NDAM NJOYA, président et fondateur de ce parti en claquait la porte après trente années de militantisme. C’était le 10 septembre 2020 lors d’un diner organisé pour la circonstance dans un restaurant du premier arrondissement de Douala.

Comme lui, Christophe NDEUHELA qui occupait jusqu’à cet instant le fauteuil du 3e Vice-Président démissionnait aussi. Six mois seulement après la disparition du père fondateur l’Union Démocratique du Cameroun, tout semblait s’effondrer autour de Patricia TOMAINO NDAM NJOYA, épouse et successeur du disparu.

La cause de cette déliquescence, selon Cyrille Sam Mbaka, est la confiscation du pouvoir par le Maire de Foumban. « Une poignée de gens se sont retrouvés à Foumban et se sont autoproclamés dirigeants du parti, lançait-il. Le parti connait l’émergence de la culture de l’illégalité et de l’illégitimité, contrariant fondamentalement les principes éthiques qui constituent le socle de cette formation. »  

Mais les choses semblent être revenues à la normale. On entend plus de querelles venant de l’UDC. Après des débuts difficiles comme présidente nationale et comme Maire de Foumban, Mme NDAM NJOYA semble désormais avoir les choses en main. La conférence de presse du 1er avril regroupant des partis d’opposition s’est tenue au siège de l’UDC à Yaoundé.

Le MRC sur tous les fronts 

À côté de ces partis et des autres qui animent la scène politique au Cameroun, le MRC de Maurice KAMTO se distingue par ses positions tranchées.

Ayant officiellement occupé la deuxième marche du podium à l’issue de la course pour le Palais de l’unité du 7 octobre 2018, il a introduit des recours infructueux auprès du Conseil constitutionnel en vue de mettre à nu les irrégularités qui avaient entaché le processus électoral. 

C’est alors que son directoire national a décidé du boycott des élections législatives et municipales du 9 février 2020.

« Il y a deux principales raisons, expliquait son Président national au magazine français Jeune Afrique Premièrement, nous ne pouvons pas aller aux élections sans que les conditions soient réunies pour que les populations du Nord-Ouest et du Sud-Ouest puissent se rendre aux urnes.

« Cela reviendrait à exclure ces deux régions du jeu républicain, en matière de gouvernance locale et de représentation à l’Assemblée nationale. Comme si nous nous résignions à acter, de fait, une partition de notre pays.

« Deuxièmement, notre système électoral a montré ses limites, il faut le réformer. Nous avons élaboré une proposition de loi en 2014 et nous l’avons déposée à l’Assemblée, mais elle n’a toujours pas été portée à l’attention de son bureau. »

Bien que diversement appréciée sur la scène politique, cette décision a traduit l’engagement du président du MRC à se battre pour une alternance démocratique émanant du désir des populations ; et d’une transmission pacifique du pouvoir présidentiel.

Cela n’a pas été sans conséquences au sein du parti qui n’est représenté à aucun niveau de décision dans la machine dirigeante du pays.

Il a par ailleurs perdu des militants de poids qui espéraient visiblement être emportés par le « vent de la renaissance » à l’Assemblée nationale ou à la tête de quelques mairies.

« On ne crée pas un parti pour permettre à quelques camarades d’avoir une expérience. On le fait pour atteindre des objectifs d’intérêt national », s’exprimait Maurice KAMTO sur cette question.

Autres fronts sont : La crise anglophone et le Covid-19. Les positions du Président du MRC au sujet de la crise dite anglophone et de la gestion de la crise sanitaire font florès. Avec ses alliés, il a lancé l’initiative humanitaire « Survie-Cameroon-Survival-Initiative » pour venir en appui aux populations face au Covid-19.

Toutefois, on peut déplorer la façon dont cette initiative s’est bouclée. Une vive polémique l’a entourée en début d’année. Un premier audit établit par un cabinet français et devant faire la lumière sur l’ensemble de la gestion des fonds de l’initiative, n’a que fait qu’amplifier la polémique. M. KAMTO a commandé un autre audit. Il est toujours attendu.

La caution du peuple

L’opposition camerounaise sort elle enfin de sa léthargie ? Cette rencontre en est peut-être le signe. Mais au-delà d’une entente entre partis d’opposition sur des questions d’intérêts général, il est un défi encore plus grand et plus déterminant, qui reste à relever : La coalition avec les populations, le peuple.

Au Cameroun, c’est le peuple seul qui jugera de la crédibilité de toute alternative politique à la dictature. Sa caution est la condition de possibilité de la transmission pacifique du pouvoir présidentiel. MN

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