Au Cameroun, l’accaparement des terres agricoles par la Chine

Le Président du Cameroun Paul Biya (G) serre la main du Président chinois Xi Jinping lors du Forum sur la coopération sino-africaine au Grand Hall du Peuple à Pékin le 3 septembre 2018. - Le 3 septembre, le président Xi Jinping a déclaré aux dirigeants africains que les investissements chinois sur le continent n’ont «aucune condition politique», s’engageant à investir 60 milliards de dollars de nouveaux financements pour le développement, alors même que Pékin est de plus en plus critiquée pour ses projets à l’étranger, lourdement endettés. (Photo par Andy Wong / POOL / AFP) (Crédit photo: ANDY WONG/AFP via Getty Images)

Du Japon à la Corée, en passant par la Chine, du Canada en Europe, en passant par les États-Unis, les produits chimiques ont endommagé les terres agricoles qui produisent de moins en moins alors que la population croît.

Depuis l’an 2000, des rapports concordants estiment que 5 % de l’espace africain cultivable a été concédé à des investisseurs étrangers.

En 2010, un total de 56 millions d’hectares a été vendu en Afrique à des entreprises étrangères, soit l’équivalent de la superficie du Kenya. En Afrique centrale, le Cameroun n’est pas à l’abri de ce phénomène : l’accaparement des terres agricoles par la Chine.

En mal de surfaces agricoles, la Chine se servirait de « l’Afrique en miniature » comme son eldorado agricole. En fait, cet accaparement d’espaces agricoles suit son cours sous silence et le plus souvent, les investisseurs travaillent dans la discrétion, car ce sujet est sensible, en regard du contexte politique et social du Cameroun.

Une réalité têtue

Au Cameroun, les faits parlent d’eux-mêmes. Nous ne saurions passer par ce moyen pour dresser un état des lieux global de la situation à l’étude. Au moins, nous ferons recours à deux illustrations pour étayer notre propos.

En effet, en 2006, IKO, une filiale de la Shaanxi Land Reclamation General Corporation (connue également sous le nom de Shaanxi State Farm), a signé un accord d’investissement de 120 millions de dollars US avec le gouvernement du Cameroun, qui lui a donné la ferme rizicole de Nanga-Eboko et un bail de 99 ans sur 10.000 hectares supplémentaires : 2.000 hectares à Nanga-Eboko (près de la ferme rizicole), et 4.000 hectares dans le district voisin de Ndjoré.

La société IKO a ainsi commencé ses essais pour la culture du riz et du maïs, et prévoit également de cultiver du manioc.

En fait,Yang Haomin, le président de cette société agricole provinciale de Chine, a mis pied au Cameroun pour la première fois en décembre 2015, sur invitation du Cameroun et sur ordre de Pékin, afin d’investir dans le domaine agricole.

Depuis que le Parti Communiste Chinois a commencé à mettre l’accent sur les investissements à l’étranger, Yang a visité l’Afrique du Sud, la Russie, l’Ukraine et le Brésil, mais ses voyages n’avaient pas encore débouché sur un seul projet.

Il a donc sorti une carte pour conquérir le Cameroun. Quatre ans plus tard, en 2019, on estime à 125 mille hectares de terres agricoles occupées par la Chine au Cameroun.

En outre, un graphique du China Africa Research Ininitative (CARI), une organisation rattachée à la faculté des études internationales de l’université américaine John Hopkins, essaye de dresser un état des lieux pour démontrer la présence chinoise sur des terres agricoles en Afrique en général et au Cameroun en particulier.

Alors, les données publiées par cette dernière placent le Cameroun comme le premier sans second véritable, des pays où la Chine a le plus investi sur les terres agricoles dans tout le continent africain, un rapport qui fait débat au Cameroun.

Cette information n’a pas manqué de lancer la controverse et une vive émotion au sein des opinions publiques camerounaises. De nombreuses personnes considèrent cette « intrusion chinoise » comme une contrepartie pour l’ensemble des « aides » que la Chine a accordées au Cameroun.

Toutefois, l’idée de cette contrepartie ne fait pas l’unanimité au sein de la société civile camerounaise ; certains parlent d’un accaparement pur et simple des terres agricoles du Cameroun.

Par ailleurs, d’autres hypothèses parmi les plus complexes voient l’accaparement des terres camerounaises par la Chine comme la résultante d’une corruption aggravée qui gangrène les institutions camerounaises.

Au reste, cette situation trouve une explication cohérente. Déjà, le CARI explique que cette mainmise de la Chine résulte de l’acquisition par le groupe chinois GMG Global, basé à Singapour, et le conglomérat Sinochem basé en Chine, de la société camerounaise de production d’hévéas, HEVECAM.

Cette dernière n’est pas propriétaire, mais détentrice d’une concession foncière de très long terme. Une part non négligeable de 10.000 hectares est aussi concédée à une société rizicole dans le centre du pays.

Un phénomène lamentable

Désolation et tristesse frappent de plein les agriculteurs locaux. En effet, ils acquièrent des terres dont ils sont par la suite dépossédés. L’existence des agriculteurs et la production alimentaire aux niveaux local et national sont subordonnées à l’accessibilité à la terre.

Or l’accaparement des terres par le Parti Communiste Chinois prive les petits agriculteurs de leurs espaces agricoles, les transformant ainsi en des ouvriers agricoles sur leurs propres terres. Cette pratique remet de plus en plus en cause la propriété foncière par les Camerounais.

L’accaparement des terres apparait comme un phénomène brutal qui remet en cause les pratiques ancestrales traditionnelles, et qui hypothèque l’avenir des générations futures.

Ce phénomène d’acquisition de terres à grande échelle est surtout en expansion depuis la crise alimentaire de 2008. Elle s’inscrit dans la logique de l’industrie agroalimentaire qui ne vise que le profit, comme le démontre le cas signalé au Cameroun.

Ainsi, nous devons peut-être ce titre à Jean Ferdinand Pierre EBONG, consultant financier. Radical sur l’exploitation des terres camerounaises par les Chinois, il décrit cette situation comme un accaparement de terre à des fins agricoles.

Comme plusieurs analystes et activistes camerounais, le consultant s’indigne parce que la Chine a jeté son dévolu sur le Cameroun en vue de l’exploitation des terres arables.

Ce phénomène lamentable remet au grand jour la question foncière au Cameroun., qui se présente comme un véritable serpent de mer.

Raison, les lois et règlements qui régissent le secteur foncier sont pour la plupart devenus obsolètes au regard de l’évolution de la population et des impératifs de politique agricole. Les concessions agricoles comme celles faites à HEVECAM, aujourd’hui sous contrôle chinois, sont nombreuses.

Une véritable menace

Dans une interview accordée à la Deutsche Welle, Jean Ferdinand Pierre EBONG martèle que « ce genre de démarche menée par les Chinois portera sans doute un grand coup sur la vie et sur le devenir des Camerounais. »

Sans doute, l’accaparement des terres arables au Cameroun représente une réelle menace à la fois pour le développement et pour la sécurité alimentaire de le pays. Et on peut affirmer sans ambages que la course aux terres agricoles menée par le Parti Communiste Chinois constitue une bombe à retardement au Cameroun. MN

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