Les lieux de torture au Cameroun

Les lieux de torture au Cameroun

Torture au Cameroun – La logique de la surveillance et de la punition des esprits jugés à tort ou à raison subversifs et/ou dangereux pour l’ordre et la sécurité publics a fait naitre dans les sociétés des structures de privation des libertés. L’Etat camerounais qui est une création coloniale, dispose d’un régime carcéral particulièrement peu soucieux de la dignité physique et même morale des détenus.

Faits marquants

  • La recension des écrits relatifs aux lieux de détention au Cameroun dégage la constance selon laquelle ces lieux sont en réalité des structures de la torture.
  • Ces structures, pour la plus part, des plus petites aux plus grandes, ont déjà vues des gens être torturés.
  • Jusqu’en 1992 au Cameroun, il existait des lieux spécifiques de torture dans certaines régions du pays. Il s’agissait par exemple des Centre de Rééducation Civique (CRC) de Yoko, de Tcholiré, de Mantoum, etc. Le seul décor de ces lieux était suffisant pour déclencher déjà la torture psychologique.  
  • En dépit de la suppression de ces CRC, il existe toujours des centres de détention, si ce n’est tous les centres d’ailleurs, qui pratiquent la torture au Cameroun.
  • Ces pratiques de tortures sont régulièrement dénoncées par des Organisations Non Gouvernementales comme l’ACAT, Amnesty International, la Commission des Droits de l’Homme du Cameroun etc.     

L’identité coloniale des lieux de torture au Cameroun

Dans leur volonté de surveiller et contrôler les « sujets » qualifiés de délinquants, les autorités coloniales décidèrent de mettre sur pied les premières unités de police et de gendarmerie dans les villes de Douala et de Yaoundé.

Avec la montée en puissance de la contestation anticoloniale, des lieux de détention de grande envergure allaient voir le jour. C’est ainsi que des prisons coloniales furent construites dans les grands centres urbains.

Ces prisons, loin d’être des lieux de simple privation de certaines libertés, furent des structures de torture des Camerounais qui dénonçaient ou qui critiquaient la prose coloniale. Les prisons centrales de New-Bell à Douala et de Kodengui à Yaoundé sont souvent les plus en vues. Mais, il a existé au Cameroun plusieurs sites de production de la souffrance. L’on peut retenir les prisons de Yokadouma, de Yoko, de Tcholiré, de Mokolo, de Mantoum.

Ces prisons furent maintenues au lendemain de l’indépendance et de nouvelles virent le jour. En 2017, on dénombrait 10 prisons centrales, 49 prisons principales et 19 prisons secondaires. Au-delà de ces centres pénitentiaires, il existe des brigades, des commissariats et des cellules spéciales du SED où certaines Organisations de lutte contre la torture dénoncent des cas de torture.     

La nature de la torture  

Dans ces lieux de production de la violence, on remarque l’existence de plusieurs types de torture. La torture physique et la torture morale.

Dans les prisons du Cameroun l’enchainement des prisonniers demeure d’actualité. L’ACAT, AI, la CDH en dénoncent dans leur rapport sur l’état des droits de l’homme au Cameroun.

A l’enchainement s’ajoute l’extrême étroitesse des prisons. En 2016 la population carcérale selon la CDH était de 28 927 détenus avec une capacité d’accueil de 17 815 places, soit un taux d’occupation de 162%. Ces chiffres augmentent chaque année.

Cet entassement est source d’étouffement et de circulation des maladies diverses. Sans même séjourner dans l’un de ces centres pénitentiaires, le récit négatif qui en est fait traverse moralement les esprits. Les grandes prisons ne sont pas les seuls lieux de production de la torture.

Dans ses rapports ACAT, Organisation Non Gouvernementale qui lutte contre la torture au Cameroun rapporte les cas de torture qui, parfois se terminent en drame.

On peut relever le cas de Mohamadou Lawal interpellé et amené dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Yokadouma le 19 avril 2017. Il fut tellement torturé par son enquêteur qu’il mourra dans sa cellule le même jour.

L’on ne peut ignorer le cas du jeune Ibrahim Bello qui avait été arrêté le 5 avril 2017 et mis en garde à vue au poste de police d’Ombessa dans les départements du Mbam et Inoubou. Durant sa garde à vue il a été victime d’acte de torture, de traitements cruels au point de perdre définitivement ses deux jambes et sa main gauche.

Ce fut également le cas de Charles Nvondo Nga, chauffeur de taxi dans la ville de Yaoundé qui, après une altercation avec les éléments de la brigade de gendarmerie de Ngousso a été mis en garde à vue. Après avoir été torturé, il rendra l’âme à 4 heures du matin le 20 mars 2018.

Torture de jeunes militants politiques

Il existe un nombre important de lieux de torture au Cameroun. Parmi ceux qui sont régulièrement cités par les ONG, on peut relever les prisons, les commissariats, SED, le Groupement Spécial d’Opération, Commandement Central des Groupes Mobiles d’Intervention, le Groupement Mobile d’Intervention, les centres dépendants du BIR et de la DGRE, les Equipes Spéciales d’Intervention Rapide.

Dans ces structures, qui, officiellement, s’occupent de l’ordre et de la sécurité publics, les enquêteurs administrent généralement des tortures aux suspects. Le mode opératoire utilisé vise un seul but, à savoir obtenir des aveux.

Généralement, après l’arrestation massive ou individuelle, les suspects sont embarqués dans un camion ou un pick-up en direction de l’un des centres sus évoqués. Dès l’arrivée le suspect commence à vivre le calvaire.

L’expérience d’Alvine Tchupou, une militante politique de 28 ans, arrêtée le 1er juin 2019 permet de rentre compte du mode opératoire de la torture de jeunes militants politiques opposés à la gouvernance du président Biya.

Le suspect est donc généralement accueilli par un exercice physique comme les pompes, les flexions de jambes, la marche canard. Après cela, les enquêteurs exigent de lui des marches à genou jusqu’au lieu où l’audition est prévue.

Lorsque le lieu est à l’étage, le suspect est invité à monter les escaliers à genou. Lorsque la tâche est jugée peu pénible, on peut alors de nouveau exiger des pompes dits « commandos ».

Et après, c’est le fouet, un câble de haute tension se dresse tout droit avec pour but d’amplifier de la douleur et faire craquer le suspect. Lorsque celui-ci pose une question ou fait une demande jugée inappropriée par l’enquêteur, il est sévèrement fouetté.

Dans le cas d’Alvine Tchupou, elle aurait reçu 50 coups de fouet après avoir exigée la présence de son avocat pendant l’audition. Lorsqu’elle a insisté, elle a été sortie de la salle d’audition pour une autre « bastonnade ». MN    

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