COVID-19 au Cameroun : Le Président disparu des radars depuis un an

COVID-19 au Cameroun - Le Président disparu des radars depuis un anLe Cameroun fait face à une montée inquiétante de la pandémie du Covid-19 sur son territoire. Les populations anxieuses ont le sentiment d’être abandonnées à elles-mêmes. (c) Ahmed Zaggoudi via Canva Pro

Alors que la courbe des nouveaux cas de contaminations au COVID-19 est croissante et que de nouveaux décès y relatifs sont enregistrés quasi quotidiennement au Cameroun, on se demande où est passé le Chef de l’État dans ce pays où l’on observe un relâchement inquiétant des mesures barrières.

Campagne de vaccination incertaine, opération irrégulière de dépistage massif des populations, mesures barrières édictés de façon asynchrone, les habitants des grandes villes du Cameroun sont perdues face à la résurgence du coronavirus dont les effets sur tous les plans de la vie du pays sont plus ou moins perceptibles.

Pour cause, le gouvernement ne communique pas assez sur la question. Le Président de la République, lui, semble insensible à la peine des nombreuses familles affectées par cette maladie.

Selon les statistiques du Ministère de la santé publique, 40 622 cas ont été enregistrés sur le territoire national depuis le début de la pandémie, dont environ 10 000 nouveaux cas les trois derniers mois et 4908 cas entre le 8 et le 21 mars. Pourtant, le Chef de l’État n’apparait toujours pas sur les radars.

Une année de silence

Le 20 mai 2020, Paul Biya faisait une apparition télévisée, trois mois après les premiers cas de Covid-19 enregistrés sur le sol camerounais. « Le Cameroun est atteint par le COVID-19 », déclara-t-il à l’entame de son discours dont l’essentiel du message portait sur la pandémie.

À cette occasion, le Président de la République souligna le « danger sournois » que représentait alors la maladie puis, il invita les différentes composantes de la société camerounaise à se mobiliser pour y faire face, avant d’annoncer certaines mesures prises par lui en vue d’enrayer le mal.

En plus des mesures de protection prescrites, Paul Biya rappela dans son allocution la mise en place d’un « Fonds Spécial de Solidarité Nationale pour la Lutte contre le Coronavirus ».

Depuis, c’est le silence radio. Le Chef de l’État n’est même pas intervenu pour demander les comptes sur l’évolution de ce « Fonds Spécial » dont la gestion continue de faire l’objet de vives critiques.

En juin 2020, l’alerte sur d’éventuelles malversations des Fonds alloués au Cameroun pour combattre le Coronavirus venait de New York.

En effet, quelques semaines seulement après la sortie du Président, Lewis Mudge, directeur pour l’Afrique centrale à Human Rights Watch déclarait que « Le ministre de la Santé devrait immédiatement faire en sorte que les sommes versées au Fonds de solidarité pour la santé soient mises à la disposition des établissements médicaux qui ont un besoin pressant de soutien, publier les informations relatives à la gestion de ce fonds et enquêter sur d’éventuelles irrégularités »

Car selon lui, « Le Cameroun est le pays d’Afrique centrale qui connaît le nombre le plus élevé de cas confirmés de Covid-19 et, pourtant, il semble que le gouvernement n’ait pas déboursé d’argent provenant d’un fonds de réserve auquel les établissements de santé ont versé des contributions précisément pour faire face à des situations d’urgences comme celle-ci ».

Un an plus tard, face au mutisme de Paul Biya, des initiatives privées se mettent sur pied dans l’objectif de faire la lumière sur la gestion des fonds de solidarité dont Yaoundé a bénéficié depuis mars 2020.

Selon Nancy Ndi Saiboh, coordinatrice du « Covid-19 Transparency and Accountability Project », il faut « essayer de comprendre comment l’État a utilisé les fonds pour combattre le covid…, et s’ils ont suivi le protocole quand on parle de transparence ».

L’autre scandale lié à la pandémie et qui a nécessité en vain l’intervention du Chef de l’État a été la distribution du fameux « riz d’Orca ». « Je voudrais tout simplement dire que depuis le 29 avril, nous ne sommes plus en possession du riz d’Orca. Toutes les fois que nous recevons des dons, nous essayons d’organiser des cérémonies pour que les Camerounais suivent les traces de ces dons ».

C’est ainsi que le Ministre de la santé Publique, Manaouda Malachie, se défendait des accusations de détournement de 4 000 sacs de riz offerts par la société de distribution Orca dans le cadre du soutien des population camerounaises face à l’impact économique du Coronavirus, dans l’un de ses passages sur la télévision nationale.

Aujourd’hui, les destinataires de cet appui n’ont toujours rien reçu et la lumière attend d’être faite sur ce qu’il en a été. Si le Contrôle Supérieur de l’État s’est saisi de cette affaire en janvier dernier, une intervention directe du Président de la République rassurerait sans doute les populations dont certaines sont en proie à une précarité indescriptible.

Une gestion par procuration

La gestion de la crise sanitaire liée au COVID-19 au Cameroun se fait « sur très hautes instructions ». Le Premier Ministre, le Ministres des enseignements secondaires, le Ministre de la santé publique et le Ministre des transports ont tous fait des annonces ou pris des mesures à l’effet d’en venir à bout du coronavirus, chacun relativement aux attributions que lui confère son portefeuille ministériel, mais surtout conformément aux instructions du Président de la République.

Au demeurant, les nombreux communiqués ainsi rendus publics ne sont pas de nature à rassurer les Camerounais. En mars 2020, le Professeur Maurice Kamto, Président du MRC, dénonçait déjà et pour le regretter le silence du Président de la République en déclarant que « dans le contexte actuel d’un grave danger pour la nation, son silence n’est pas seulement irresponsable, il devient criminel ».

Le Cameroun fait face à une montée inquiétante de la pandémie du Covid-19 sur son territoire. Les populations anxieuses ont le sentiment d’être abandonnées à elles-mêmes.

Un an après son unique discours sur le coronavirus, le Président Paul Biya est aujourd’hui introuvable, tandis que de nombreux Camerounais continuent de contracter le COVID-19 et d’en mourir. Le dernier en date, Paul Éric Kingue, maire de la Commune de Njombe-Penja, est décédé la nuit de 21 au 22 mars 2020. MN

À lire aussi : La carence en micronutriments

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.


*