Diaspora camerounaise : Son apport à l’économie Nationale

Diaspora camerounaise - Son apport à l'économie Nationale

Les transferts courants des camerounais de l’étranger vers leur pays d’origine, est en forte croissance depuis 1980 à nos jours. Ces transferts contribuent à améliorer les conditions de vies économiques et sociales des ménages.

Si cet apport, jugé faible par le PNUD en comparaison à ceux des autres diasporas africaines, est peu porté vers le secteur productif, plusieurs facteurs peuvent l’expliquer.

Nous pouvons énumérer le manque de confiance de la majorité de la population vis-à-vis des services d’administrations publiques,  le climat des affaires peut séduisant de leur pays d’origine, et le potentiel économique de cette diaspora.

Selon les données « inward remittance » de la Banque Mondiale (BM), la diaspora camerounaise a contribué  de 0,9 % à la formation du PIB du Cameroun en 2020.

Cette contribution est jugée faible par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) comparativement à celles d’autres pays d’Afrique notamment le Comores (13 %), Sénégal (10 %), Mali (7 %) et Ghana (6 %). Pourtant la communauté camerounaise de la diaspora n’est pas la moindre de ces communautés en termes d’effectifs.

La diaspora camerounaise : l’Europe, principale destination

La Division des Nations Unies pour la Population (DNUP), a révélé en 2015 que la diaspora camerounaise est la deuxième plus grande communauté d’Afrique centrale à l’étranger avec 381 984 membres, après la République Démocratique du Congo (545 654).

Selon la Commission des Affaires Economiques et Sociales des Nations unies (UNDESA), l’émigration camerounaise est orientée vers les pays Européens avec une forte concentration dans les pays de l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) que sont notamment la France, les Etats-Unis, l’Allemagne et l’Italie.

  • Principaux pays d’accueils de la diaspora camerounaise

Les principaux pays de destination des migrants en 2018 selon European Union Global Diaspora Facility (EUIDF) sont : la France (89 496), les Etats-Unis (53 185), le Gabon (50 273), le Tchad (33 936) et le Nigeria (28 177).

Source : Auteur à partir des données de EUIDF (2018)

L’Allemagne et l’Italie représentent respectivement 2,4 % et 1,4 % du stock des migrants (UNDESA, 2017). La France se positionne comme la première destination des émigrants camerounais devant les Etats-Unis.

Plan   

  • Sources de données
  • Principaux facteurs d’émigration des camerounais
  • Apport des camerounais de l’étranger à l’économie nationale
    • Evolution des transferts courant de la diaspora entre 1980 et 2020
    • Utilisation et impact des transferts de la diaspora sur le développement
    • Principaux obstacles à l’engagement de la diaspora
  • Conclusion

Sources de données

Les données utilisées dans nos analyses proviennent principalement des institutions suivantes : DNUP, EUIDF, Banque Mondiale (BM), Institut Sous régional de Statistique et d’Economie Appliquée (ISSEA) et Institut de Formation et de recherche Démographique (IFORD), sauf mention contraire.

Principaux facteurs d’émigration des camerounais

En raison de facteurs économiques structurellement défavorables et d’une insuffisance notoire de possibilités d’emplois décents,  la jeunesse frustrée du pays décide d’aller vers d’autres horizons avec l’espoir de trouver un quelconque paradis.

En effet, en 2014 l’INS rapporte que 37,5 % des ménages croupissent dans la pauvreté, 79 % d’actifs occupés sont en situation de sous-emploi et 15,4 % de la population meurt de faim.

Pour mieux comprendre le phénomène, une enquête portant sur la migration réalisée en 2018 par l’ISSEA a recueilli les témoignages des habitants de la ville de Yaoundé sur les facteurs justifiants les départs des membres de leurs ménages vers l’occident.

Sur un total de 369 individus (14,37 %) émigrés âgés en moyenne de 33 ans, les principaux facteurs de départs recensés sont entre autres la recherche d’emplois (43,37 %), la poursuite études (39,59 %) et les raisons familiales notamment le mariage ou la visite (8,97 %).

  • Raisons d’émigration par les proches d’émigrés habitants de la ville de Yaoundé (%)
Source : Auteur à partir des données de l’enquête migration ISSEA (2018)

Sur la totalité des personnes interrogées (2568), 64,5 % pensent que la raison d’émigration des jeunes vers l’occident est la recherche d’emplois. D’autres par ailleurs estiment que 25,2 % des jeunes camerounais émigrent pour des raisons d’études.

Si 28,5 % de répondants de l’échantillon des habitants de Yaoundé n’ont pas voulu dévoiler leurs intentions, 41, 5 % d’entre eux sont favorables à l’émigration.

Apport des Camerounais de l’étranger à l’économie nationale

Evolution des transferts courants de la diaspora entre 1980 à 2020

Le montant des transferts courants provenant des Camerounais de l’étranger a connu une forte croissance en 40 ans. En effet, selon la Banque Mondiale, ce montant est passé de 29 milliards de FCFA en 1980 à 340 milliards de FCFA en 2020, soit une hausse de 1100 %.

Les transferts ont grimpé jusqu’à 359 milliards en 2019 pour baisser à 340 milliards en 2020 en raison de la pandémie à covid-19 qui a beaucoup affecté les pays du Nord.

  • Évolution des transferts de la diaspora de 1980 à 2020 (en milliards de FCFA)
Source: Auteur à partir des données de la Banque mondiale

Cette évolution est une conséquence de l’évolution du stock migratoire, bien qu’elle soit plus que proportionnelle à cette dernière. Or, l’analyse du stock de migrants camerounais à l’étranger à partir des données de la DNUP sur la période1980-2020 présente une tendance évolutive passant de 231 157 en 1980 à 381 984 en 2020.

Utilisation et impact  des transferts de la diaspora sur le développement

Représentant 0,9 % du PIB en 2020 selon la BM, l’apport de la diaspora camerounaise à l’économie nationale n’est pas sans impact social.

Les transferts des camerounais de l’étranger envers leur pays d’origine sont principalement utilisés par les destinataires pour des besoins la consommation (alimentation, éducation, santé).

Les résultats d’une enquête réalisée par l’IFORD en 2012 portant les transferts courants reçus révèlent que les ménages consacrent plus de la moitié (52,8 %)  des transferts reçus pour la consommation courante, 15,5 % à l’investissement productif, 7,5 % à l’épargne (consommation future) et 6 % à l’investissement immobilier.

  • Principaux usages faits des fonds reçus par les ménages bénéficiaires (%)
Source : Auteur à partir des données de l’enquête migration ISSEA (2012)

L’enquête migration ISSEA (2018) révèle que 43 % des ménages de Yaoundé qui ont vu au moins un membre émigrer reçoivent au plus de 300 000 FCFA de la diaspora par an. Cependant 39 % des ménages reçoivent moins de 125 000 FCFA par an.

TAMO MBOUYOU Eric Stève dans son article intitulé  « transferts monétaires internationaux reçus par les ménages au Cameroun » a démontré à partir des données d’ECAM 3 que les transferts des migrants impactent positivement les dépenses par tête des ménages.

En effet, elles sont passées de 374 637 FCFA pour les ménages n’ayant pas reçus de transferts à 548 562 FCFA pour les ménages ayant reçus de transferts.

Principaux obstacles à l’engagement de la diaspora

Le climat d’affaires peu crédible, le manque de confiance aux institutions de l’Etat par la majorité de la population et le marché d’emploi précaire constituent des obstacles à l’investissement.

En effet, Doing Bussiness (2020), indice d’appréciation du climat des affaires et de la bonne gouvernance classe le Cameroun 167e sur 190 pays avec un score de 46,1 sur 100, alors qu’il était 166e en 2019, 158e en 2015.

Une enquête du  Groupement inter patronal du Cameroun (GICAM) réalisée en 2019 sur l’impact de la crise anglophone témoigne des pertes énormes estimées à 800 milliards et 16 760 emplois au bout de trois ans par les entreprises. Environ 86 % de ces entreprises annoncent que la crise dans ces régions a des répercussions sur l’activité.

  • Opinions des Camerounais sur la gouvernance et la pratique de la corruption (%)
Source : Auteur à partir des données de l’INS (2014)

Selon l’INS, environ 88 % de camerounais ne font pas confiance à la police, tandis que 14 % affirment avoir été contraint de payer un pot de vin. Environ 91 % des camerounais pensent que la corruption n’a pas diminué tant au niveau des services publique qu’au niveau de la haute administration.

Conclusion

En tout état de cause, l’apport de la diaspora camerounaise à l’économie n’est pas sans effet sur les ménages bénéficiaires, principaux bénéficiaires.

Bien qu’une part non négligeable de ces transferts soit investie dans le secteur productif ou immobilier, il demeure vrai que le potentiel est peu exploité. En effet, les hauts fonctionnaires des finances du Commonwealth réunis en 2016, ont estimé la quantité d’épargne de la diaspora camerounaise à 700 millions de dollars.

Le gouvernement gagnerait à saisir cette opportunité pour un développement inclusif. L’assainissement du climat des affaires, la lutte contre la corruption sont les préalables à un climat des affaires séduisant pour les investisseurs. MN

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