La dynamique de l’évolution de l’endettement de l’Etat du Cameroun

l'endettement du Cameroun

L’endettement du Cameroun – Après la crise économique de 1929, les théories classiques ont éprouvé des limites, ce qui justifie l’interventionnisme de l’Etat prôné par John Maynard Keynes en 1936.

Pour Keynes, l’Etat a un rôle à jouer pour soutenir l’activité économique lorsque celle-ci n’arrive plus à s’autoréguler d’elle-même.

Vues d’ensemble

La politique budgétaire, est un instrument dont l’Etat dispose pour définir sa politique économique. Dans un contexte de ressources rares et de besoins illimités, il peut faire face à un déficit budgétaire, c’est-à-dire avoir une charge globale supérieure à ses recettes.

Dans ce cas l’Etat dispose d’un ensemble de moyens pour retrouver l’équilibre. Ainsi, il peut soit augmenter la pression fiscale en augmentant les impôts sur la production et les revenus, soit s’endetter auprès des agents résidents (dette intérieure) ou non-résidents (dette extérieure).

Le but ultime visé par l’endettement publique est la relance de l’investissement, facteur stimulant de la demande globale et de par conséquent de la croissance économique.

Cependant, une dette publique non investit ou plutôt mal investit peut constituer une charge pour des générations futures.

Au milieu des années 80, le Cameroun à l’instar des pays de la zone franc, va commencer à éprouver des déficits sérieux de trésoreries. Cette situation va perdurer jusque dans les années 90.

C’est ainsi que ces pays de la zone franc, de concert avec le trésor Français et le Fond Monétaire International (FMI), ont décidé de la dévaluation du Franc CFA.

Cette mesure visait primordialement à rendre ces économies plus compétitives en stimulant les exportations et à retrouver l’équilibre budgétaire.

Deux ans après cette dévaluation, la réalisation des effets escomptés n’étaient pas plausibles (l’industrialisation n’a pas pris d’essor, les charges d’importations sont devenues plus lourdes et le solde budgétaire est resté déficitaire). Par conséquent, le tissu social camerounais s’est fragilisé. C’est ce qui explique le surendettement.

Ainsi, les institutions de Bretton Woods ont lancé vers la fin du vingtième siècle (1996) l’initiative pays pauvres très endettés (PPTE) en vue d’alléger la dette de certains pays du tiers monde jugée insoutenable.

L’objectif visé par cette mesure était de renforcer la performance macroéconomique des pays en vue de réduire la pauvreté. Le Cameroun, à l’instar des autres pays africains a souscrit à l’initiative vers la fin de l’année 1999, période marquant la fin du deuxième millénaire.

Six ans après avoir bénéficié de l’initiative, le Cameroun est devenu le 15e pays membre régional à atteindre le point d’achèvement le 1er mai 2006 bénéficiant d’un allègement de 1,27 milliard de dollars en valeur actuelle nette (VAN) fin 1999.

Vingt ans après l’initiative PPTE, face à la pandémie de la Covid-19 qui secoue le monde, le pays a bénéficié d’un moratoire sur sa dette entre le 1er mai et le 31 décembre 2020 par le club de Paris, suspendant ainsi le service de sa dette d’un montant de près de 100 milliards de FCFA.

Le Japon, dans la mouvance de l’initiative de suspension du service de la dette prônée par les pays membres du G20 a procédé en mars 2021 à la signature d’un moratoire d’un an pour le Cameroun pour le remboursement de sa dette prévue en juin 2020.

L’objectif de ce travail est de d’analyser les séries de dettes extérieures et intérieures au Cameroun depuis l’année de souscription du Cameroun à l’initiative PPTE jusqu’à nos jours, afin de tirer des leçons.

Sources de données

Les données proviennent de la base de données de la Banque Mondiale. L’étude couvre la période 999-2019. L’année 1999 marque le de début de l’initiative PPTE pour le Cameroun.

Bien que l’incitative a pris fin en mai 2006, il est pertinent de continuer l’analyse jusqu’à la plus récente date pour vérifier si le pays a tiré profit de l’initiative.

Analyse de l’évolution de la dette publique et les ratios d’endettement

Evolution de la dette extérieure et des ratios d’endettement du Cameroun

La courbe d’évolution de la dette extérieure décrit l’évolution du stock de la dette dans le temps, mais ne donne pas une idée sur sa viabilité, c’est-à-dire du caractère soutenable1 d’un programme budgétaire.

Evolution de la dette extérieure

La dette extérieure représente l’ensemble des engagements extérieurs contractés par un Etat auprès des créanciers (privés ou publics, bilatéraux ou multilatéraux) non-résidents.

Elle est due à des non-résidents et remboursable en devises étrangères, en biens ou en services. La dette extérieure est un instrument qu’un Etat dispose pour combler son déficit budgétaire.

Le graphique ci-dessous illustre deux tendances observées dans l’évolution de la dette extérieure du Cameroun.

Source : Données de la Banque mondiale

La tendance observée pendant la période de l’initiative PPTE est baissière et se stabilise entre 2007 et 2012. Cette tendance en baisse est due à l’allègement de la dette du Cameroun par les institutions financières internationales. La croissance de la série est exponentielle à partir de 2014 avec la chute drastique des barils du pétrole.

Cette crise de la chute du prix du pétrole a affecté le Cameroun sur deux aspects. De prime abord, le PIB du Cameroun dépend à 30 % (source : MINFI) du pétrole.

Il est donc prévisible qu’un tel choc se répercute négativement sur son économie le poussant à l’endettement.

D’autre part, le Cameroun du fait de sa position au sein de la Communauté Economique et Monétaire d’Afrique Centrale (CEMAC) a subi les effets pervers de ladite crise qui a secoué les Pays pétroliers de la sous-région notamment le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad.

Evolution du ratio Dette extérieure/ Produit intérieur brute (PIB)

Défini comme l’encours de la dette extérieure en fin d’année rapporté au PIB annuel, le ratio dette extérieure/ PIB donne une indication du potentiel de service de la dette extérieure.

Un ratio élevé sous-entend que le pays pourrait avoir de difficulté à rembourser ses créances pour un taux d’intérêt au vu des charges internes.

Le graphique suivant illustre deux tendances observées dans l’évolution du ratio la dette extérieure/PIB.

Source : Données de la Banque mondiale

De façon analogue au graphique précèdent, le ratio a commencé à baisser depuis 1999, année de début de l’initiative PPTE pour se stabiliser à partir de 2006, année marquant le point d’achèvement de l’initiative.

Il s’en suit une croissante exponentielle à partir de l’an 2014, marquant la chute brutale des prix des barils du pétrole, creusant le déficit budgétaire du Cameroun.

La tendance du ratio de la dette extérieure tel que présentée n’est pas loin d’atteindre celle de 1999, année marquant le début de l’initiative pour le Cameroun, ce qui représente un risque de surendettement pour le pays.

Ce constat corrobore avec les constats faits distinctement par le FMI et la Banque Africaine de Développement (BAD).

Les moratoires accordés par le club de paris et le G20 au Cameroun sur sa dette extérieure entre mai 2020 et mars 2021 témoigne bien cette menace de surendettement. A présent, il convient d’analyser la compétitivité de l’économie.

Evolution du ratio dette extérieure/Exportations

Défini comme l’encours de la dette extérieure rapporté aux exportations des biens et services, ce ratio donne l’information sur la viabilité de la dette.

En effet, si ce ratio augmente dans la durée pour un taux d’intérêt donné, ceci implique que la dette totale augmente plus vite que la source essentielle de revenu extérieure de l’économie.

La situation idéale voudrait que cette tendance soit baissière. Par conséquent le pays pourrait avoir des difficultés à honorer ses engagements vis-à-vis de ses créanciers.

Source: Données de la Banque mondiale

Le ratio a cru depuis 2004 jusqu’en 2008. Ensuite on observe une cassure, pour décroitre à partir de 2011 jusqu’à nos jours.

Il ressort que dans un premier temps, la dette a augmenté plus vite que la source de revenus extérieure. La tendance semble inversée depuis 2011.

Néanmoins, la tendance d’évolution du ratio demeure encore plus élevée que celle de période 1999-2005. Pour mieux comprendre cette situation, il est judicieux d’apprécier l’efficacité de la dette.

Efficacité de la dette

Cette efficacité est appréciée ici par le ratio investissement/dette extérieure. Si le ratio tend vers 1, cela suppose que la dette est utilisée en bon escient, et par conséquent pourrait avoir des résultats escomptés d’atteinte de la croissance économique.

A l’inverse, si le ratio tend vers 0, cela suppose que la dette, à défaut d’être investi, a été utilisée pour les dépenses de développement. Il est également utile de prendre en compte le facteur institutionnel.

Source : Données de la Banque mondiale

Le graphique ci-dessus fait état d’une situation mitigée. Ce ratio est faible et représente seulement 20 % au début de l’initiative PPTE, et a grimpé en dépit des fluctuations.

Il fluctue entre 40 et 50 % depuis 2010. Toutefois, ce ratio est très faible car révèle un faible investissement du montant de la dette extérieure.

En d’autres termes, elle n’est pas utilisée à bon escient, c’est-à-dire pour la construction des infrastructures sociales ni à la construction des usines pour la transformation des produits locaux.

Au vu de la situation, il ressort clairement que l’utilisation de la dette extérieure n’est pas efficace. En effet, une publication du journal Jeune Afrique révèle qu’environ 1 845 milliards de F CFA ont été détournés en entre 1998 et 2004.

Actu Cameroun publie que selon le Tribunal Criminel Spéciale (TCS), environ 6000 milliards de F CFA ont été détournés entre 2012 et 2017.

Le site d’informations économiques Investir au Cameroun révèle quant à lui que selon l’Agence nationale d’investigation financière, environ 439 milliards ont été détournés en 2018.

En cumulé, environ 8 500 milliards de F CFA ont été détournés en 22 ans. Cette somme financerait le budget de l’Etat Camerounais pendant presque trois ans et empêcherait ainsi le Cameroun de faire recours à la dette extérieure. Seulement 9 milliards (TCS) de ces montants détournés ont été recouvrés.

Source : Actu Cameroun, Jeune Afrique, Investir au Cameroun

Analyse de l’évolution de la dette intérieure et du ratio d’endettement du Cameroun

La dette intérieure ou interne d’un Etat, représente l’ensemble des créances détenues par les agents économiques résidents de cet Etat sur cet Etat, et exprimés en monnaie locale.

Ainsi, elle n’est pas soumise aux risques de changes, et est remboursable en monnaie locale. La dette intérieure a l’avantage d’utiliser les épargnes d’agents résidents, et est donc plus bénéfique pour le pays.

Evolution de la dette intérieure

La tendance d’évolution de la dette intérieure est linéaire et croissante, en dépit de petites fluctuations. La raison pourrait simplement venir du fait que l’Etat fait continuellement recours aux emprunts obligataires pour faire face aux crises de trésorerie.

Source : Données de la Banque mondiale

Il va sans dire que la dette extérieure seule ne suffit pas à l’Etat camerounais de combler le gap budgétaire.

Evolution du ration dette intérieure/PIB

L’évolution de ce ratio révèle d’une part que la dette intérieure ne croit pas plus vite que le PIB. La situation s’est un peu dégradée en 2008, année de la crise (un pic est observé).

Juste avant la pandémie, la tendance était baissière. En d’autres termes, la dette intérieure ne contribue pas significativement à stimuler la production.

En définitive, la dette publique n’est pas efficace au Cameroun. En effet, d’une part elle est faiblement investie dans des projets structurants.

D’autre part, les détournements excessifs ne permettent pas au Cameroun de tirer un profit de la dette. Par conséquent, elle n’est pas porteuse de croissance. Le Cameroun tend vers un prochain surendettement. MN

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