Les détournements de fonds publics ont coûtés 8674 milliards de FCFA au trésor public camerounais entre 1997 et 2021. En d’autres termes, en moyenne 361,43 milliards sont détournés chaque année, et ceci depuis 24 ans.
Les détournements de fonds publics au Cameroun : un phénomène endémique et croissant
Les détournements de fonds publics au Cameroun est un phénomène endémique et croissant dans le temps.
En effet, les fonds publics détournés au Cameroun entre 1997 et 2021 sont estimés à 8674 milliards de FCFA, en compilant les montants révélés officiellement par nos sources.
Le quinquennat 2012-2017 est le plus remarquable avec un total cumulé de détournements estimé à 6000 milliards de FCFA selon Actu Cameroun.
Selon l’Agence Financière de l’Investigation Financière (ANIF), les détournements ont représenté 22,49 % d’infractions en 2014. Pour cela, il est classé deuxième infraction la plus fréquente après le scamming (cyber escroquerie) qui représente 33 %.
Plan
- Sources de données
- Faits surprenants
- Un endettement public important
- Une dette extérieure devenue insupportable
- Système de fonctionnement et mode opératoire
- Un système de fonctionnement en réseaux
- Un mode opératoire diversifié
- Coût budgétaire des détournements pour le trésor public
- Un coût budgétaire élevé
- Un taux de recouvrement faible
- Utilisation des fonds détournés
- Conclusion
Sources de données
Les données utilisées dans nos analyses proviennent des informations relayées par les journaux écrits nationaux ou internationaux, mais également des sources administratives, sauf mention contraire. Il s’agit entre autres de: Actu Cameroun, Investir au Cameroun, EcoMatin, Financial Afrik, VOA AFRICA, CONAC, Camer.be, ANIF et MINFI.
Faits surprenants
Un endettement public important
Alors que plusieurs milliers de milliards de FCFA sont détournés, le Cameroun est l’un des pays d’Afrique subsaharienne les plus endettés. En avril 2016, la Banque Mondiale a annoncé un risque élevé de surendettement pour le pays.
La Caisse Autonome d’Amortissement (CAA) a estimé l’encours de la dette publique du Cameroun au 31 décembre 2020 à 10 334 milliards de FCA, rapporte EcoMatin. Le journal précise que le stock de la dette des bailleurs étrangers s’élève à 6736 milliards de FCFA.
Une dette extérieure devenue insupportable
Selon Investir au Cameroun, le Cameroun a bénéficié d’un moratoire sur sa dette par le club de Paris à la suite d’une décision du G20 d’accorder un moratoire à 77 pays, à cause de la Covid-19.
Ce moratoire qui a couvert la période allant du 1er mai au 31 décembre 2020 suspendant le service de la dette camerounaise d’un montant de 100 milliards de FCFA devrait être prolongé à la vue de la conjoncture.
La même source rajoute que le Japon a procédé en mars 2021 à la signature d’un moratoire d’un an pour le Cameroun pour le remboursement d’un demi-milliard (500 millions) de FCFA prévue en juin 2020.
Système de fonctionnement et mode opératoire
Un système de fonctionnement en réseaux
Les détourneurs de fonds publics fonctionnent pour la plupart en réseaux avec des techniques plus ou moins subtiles pour échapper à la vigilance du contrôleur de l’Etat. Ces réseaux font intervenir plusieurs acteurs, le plus souvent des proches collaborateurs.
En effet, en 2006 rapporte un journal étranger, 20 personnes ont été impliquées dans un détournement de 26 milliards au fond spécial d’équipement et d’intervention intercommunale du Cameroun (Feicom).
Pendant ce temps, précise la source, 08 personnes ont été impliquées dans un détournement de 4,7 milliards à la société immobilière du Cameroun (SIC).
Au cours de la même période, environ 21 personnes ont été condamnées pour un détournement de 9 milliards de FCFA détecté au crédit foncier du Cameroun (CFC).
Un mode opératoire diversifié
Plusieurs méthodes sont utilisées par les auteurs de détournements. Il s’agit des passassions de marchés ne respectant pas souvent les procédures fixées par la loi, les missions fictives, des frais de missions excessifs, et des postes fictifs.
Par exemple selon Camer.be, les indemnités journalières par session pour une réunion du conseil d’administration d’une entreprise publique sont de l’ordre de 600.000 FCFA par membre.
S’agissant d’emplois fictifs, à peu près 20 000 matricules fictifs ont été estimés en 2019 par le MINFI, rapporte le journal Coup francs.
Coût budgétaire des détournements pour le trésor public
Un coût budgétaire élevé
Les détournements de fonds publics coûtent excessivement chers au trésor public camerounais, par ricochet au contribuable. Ils sont estimés à 8674 milliards de FCFA entre la période 1997 et 2021. Ces montants ne prennent pas en compte les présomptions de détournements en cours au Tribunal Criminel Spécial (TCS).
Selon Actu Cameroun, le montant des détournements entre 2018 et 2020 est estimé à 277 milliards de F CFA.
Le montant détourné cumulé au cours de la période 2012-2017 est estimé à 6160 milliards de FCFA. En effet, environ 6000 milliards de FCFA ont été détournés entre 2012 et 2017 selon une information du tribunal criminel spécial relayée par Actu Cameroun.
VOA AFRICA rapporte également qu’environ 160 milliards (plus de 300 millions de dollars) de recettes de la compagnie pétrolière nationale du Cameroun en 2017 n’ont pas été comptabilisés.
Sur la période 2005-2011, le montant détourné cumulé est estimé à 392 milliards de FCFA. La Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC) a fait une estimation de 221 milliards de FCFA détournés en 2008.
Par ailleurs, presque 122 milliards ont été détournés en 2009 selon un journal étranger. Actu Cameroun rapporte des faits de détournements effectués entre 2006 et 2011 dont le montant cumulé est 49 milliards de FCFA.
Entre 1997 et 2004, le montant de fonds détournés est estimé à 1845 milliards de FCFA. Selon une publication d’un magazine français tirant sa source d’un rapport de la CONAC, un montant cumulé de 1845 milliards de FCFA ont été détournés en entre 1997 et 2004.
Un taux de recouvrement faible
Le taux de recouvrement des trésors dérobés est faible. En effet, lors d’une interview du Directeur Général de la CONAC rendue publique par 237 online, l’institution aurait permis à l’Etat du Cameroun de réaliser un gain financier de 1652 milliards de FCFA entre 2011 et 2017, soit un taux de 18, 76 %.
Ces infractions ont un coût social énorme. En d’autres termes, 8805,3 milliards peuvent financer pendant presque deux ans le budget du Cameroun dont le montant est prévu à 4909 milliards en 2021.
Utilisation des fonds détournés
Au Cameroun, le blanchiment d’argent est une pratique à laquelle se livrent les détourneurs de fonds publics. En effet, une fois l’argent du contribuable distrait du trésor public, les criminels de fonds publics, pour justifier leurs pactoles, passent par des circuits ou par personnes interposées pour investir dans l’immobilier ou dans les secteurs d’activités générateurs de revenus.
Dans son rapport annuel (2014), l’ANIF révèle que le détournement de fonds public représente 22,49 % d’infractions déclarées après le cyber escroquerie (33 %).
Par ailleurs, l’agence précise que le secteur immobilier est le plus grand vivier du blanchiment d’argent. Il est suivi des autres secteurs tels que le change manuel, l’automobile, les produits de luxe, la vente des produits agricoles, le secteur des arts et de la culture, les services de transmission du secteur de fonds et valeurs, et les tontines. Chaque année des centaines des milliards sont blanchis dans ces secteurs diversifiés.
Selon une information relayée par Financial Afrik, l’ANIF a fait état d’un blanchiment des flux financiers illicites estimés à 1050 milliards de FCFA entre 2006 et 2017 et 439 milliards entre 2016 et 2018 selon Actu Cameroun. Ladite source rapporte que ces flux ont été de 494 milliards entre 2018 et 2019.
Il convient de préciser que les flux illicites révélés par l’ANIF concernent à plus de 90 % les cas détectés par les banques commerciales. Ainsi, une grande partie des fonds détournés vont dans des activités informelles ou souterraines échappant au contrôle de l’Etat.
Ces flux tirent essentiellement leurs origines des détournements et de la cyber-escroquerie. Les flux liés au financement du terrorisme représentent 1 % de ces flux.
Conclusion
Les détournements des deniers publics sont loin d’être éradiqués au Cameroun. Ils constituent un préjudice socio-économique. Les principaux acteurs généralement impliqués sont les ministres, les directeurs généraux, les conseillers ou les fonctionnaires occupant des postes stratégiques.
Le renforcement des dispositifs institutionnels et l’impartialité de la justice sont incontournables pour mener une lutte acharnée contre ce phénomène obscure. MN
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