Alors que la France semble désormais perdre du terrain en République Centrafricaine, la Russie, elle, intensifie ses relations militaires et diplomatiques avec le pays d’Afrique centrale.
Le 22 décembre 2020, la Russie a élargi son intervention militaire en République centrafricaine en déployant 300 instructeurs militaires dans ce pays déchiré par la guerre.
Elle a envoyé ces instructeurs à la demande du président centrafricain, le Professeur Faustin-Archange Touadéra, qui craignait que l’ancien président François Bozizé ne fasse dérailler les élections du 27 décembre par un coup d’État.
Après la réélection de M. Touadéra à l’issue d’un processus électoral relativement pacifique, la Russie a annoncé le retrait de ces instructeurs le 15 janvier. Cependant, des entreprises militaires privées russes restent actives dans le pays aux côtés des troupes centrafricaines, les FACA.
L’envoie de Valery Zakharov en RCA est un signal sans équivoque du Président russe, Vladimir Poutine
L’influence de la Russie en RCA s’est considérablement accrue depuis 2017. La Russie affirme souhaiter renforcer les unités de sécurité nationale de la RCA et obtenir des contrats miniers mutuellement avantageux.
On peut bien en douter. Mais quoi qu’il en soit, la présence russe en Centrafrique semble bien s’inscrire dans le long terme. Et l’envoie par le Président russe, M. Poutine, de M. Valery Zakharov, un haut cadre du Renseignement russe, aux côtés du Président Touadéra, martèle ce fait.
M. Zakharov est un ancien responsable de la Direction Générale du Renseignement militaire (GRU), l’un des plus influants dans le monde. Le service est connu pour son audace, mais aussi pour son impudence.
En dernière date, le Ministère public allemand, par exemple, l’a publiquement accusé d’être illicitement entré en procession des plans du bâtiment abritant le Bundestag, le Parlement Fédéral allemand.
M. Zakharov a acquis de l’expérience dans la résolution des conflits lors des guerres féroces de Tchétchénie en Russie. Aujourd’hui, il est en mission en Centrafrique.
Il travaille aux côtés du Président Touadéra dont il est le conseiller spécial sur les questions de sécurité. Ce faisant, le diplomate met en évidence l’influence militaire et diplomatique russes dans cette ancienne colonie française.
La stratégie de la Russie
Selon une étude du Royal United Services Institute for Defence and Security Studies (RUSI), un think tank britannique spécialisé dans la défense et la sécurité, la stratégie de la Russie à l’égard de la RCA comporterait trois objectifs.
- Premièrement, la Russie considère son intervention militaire comme un moyen d’y étendre son influence diplomatique et de réduire à long terme l’influence de la France dans le pays. En plus de renforcer son statut et de se placer en première ligne pour les contrats miniers, la Russie utilise sa puissance militaire et sa diplomatie pour contrer l’influence de longue date de la France en RCA. La présence de la France a été dominante pendant les premières années de la guerre civile. Cependant, la fin de l’opération dite Sangaris en octobre 2016 a ouvert les portes à une plus grande influence russe.
- Deuxièmement, la Russie souhaite contester le régime de sanctions soutenu par l’ONU contre la RCA, car ces mesures portent atteinte aux intérêts commerciaux de la Russie. Son opposition aux sanctions de l’ONU est apparue au début de la guerre civile en RCA. En avril 2014, la Russie a fait obstacle à une initiative des États-Unis et de la France au Conseil de sécurité des Nations unies, qui visait à imposer des sanctions contre M. Bozizé et à deux de ses alliés politiques. Les choses semblent avoir changé aujourd’hui, car elle combat désormais M. Bozizé.
- Troisièmement, la Russie semble considérer sa présence en RCA comme un tremplin pour étendre son influence en Afrique centrale. Sur le plan diplomatique, elle a renforcé ses relations avec la RDC. La Russie s’est jusqu’ici fermement opposée à une intervention humanitaire dans l’horrible guerre à l’ouest anglophone du Cameroun.
L’installation d’une base militaire russe en Centrafrique, comme l’a demandé M. Touadéra, renforcerait l’influence de Moscou dans la région, et ceci certainement aux dépends de la France dont les relations avec ses ex-colonies sont de plus en plus difficiles. Mais une telle influence russe ne serait non plus forcément une bonne nouvelle pour les mouvements ProDémocratie dans la région. Moscou n’a, en effet, jamais prétendu vouloir œuvrer dans ce sens. MN
Soyez le premier à laisser un commentaire on "Ce que veut la Russie en RCA et en Afrique Centrale"