Débats de dimanche : Entre Divertissement et Propagation de la Haine

Débats de dimanche au CamerounLes débats de dimanche intéressent de moins en moins car ils ont perdu un peu de leur substance et sont devenus plus des émissions d’expression de la discrimination, de propagation de la haine et de divertissement - Arrangement image : MUNTUNEWS

Débats de dimanche au Cameroun – A la faveur du décret N° 2000/158 DU 03 avril 2000 fixant les conditions et les modalités de création et d’exploitation des entreprises privées de communication audiovisuelle, de nombreuses chaines de télévision ont ouvert leurs portes au Cameroun.

La citée s’est saisie de cette manne pour investir les espaces de débat que leur ont offert ces chaines. Les émissions dominicales de débats qui ont capté l’attention des téléspectateurs pendant deux décennies intéressent cependant de moins en moins.

« Les programmes et principalement, les émissions d’information doivent respecter l’expression pluraliste et équilibrer les divers courants de pensée.  Ces courants bénéficient d’une présentation équitable des prises de position politique, philosophique, sociale et culturelle. »

L’article 30 du décret du 03 avril 2000 consacre ainsi la libéralisation de la prise de parole dans les radios et télévisions au Cameroun.

Des programmes de débats en ont fait leur leitmotiv et des acteurs de divers domaines de la vie de la nation, leur tribune. « Scène de presse », « Canal Presse », « Droit de réponse », « Club d’Élites », « Info presse », « 7 Hebdo » et « Dimanche Midi » sont entre autres émissions qui cristallisent l’attention des téléspectateurs et auditeurs chaque dimanche entre 11 heures et 21 heures. Elles ont enseigné, sensibilisé et surtout orienté à la prise de décisions sur le champ politique.

Les atouts du début

Selon M. Simon NGONO, les acteurs qui sont le plus intervenus sur les plateaux de débat des chaines Canal 2 Internatinal et Equinoxe Télévision sont « des journalistes, des universitaires, des acteurs politiques du pouvoir, des membres de l’opposition, des experts et des membres de la société civile. » La variété de ces panels a sans doute contribué à éclairer les citoyens sur des questions variées.

Les émissions de débat enregistrent des taux d’audience record à la télévision, à la radio et sur la toile. Selon Médiatude, baromètre de la vie des médias au Cameroun, les « Droit de réponse », « L’Arène », « Le Club », « Club d’Élites », « Cartes sur table », « Décryptage » et « Feu Vert » font partie des émissions les plus regardées sur la toile entre le 15 et le 21 mars derniers.

Pour SOULEYMANE OUMAR Adama, enseignant et fidèle téléspectateur de plusieurs émissions dominicales, ce sont les thèmes abordés et le caractère édifiant des programmes du dimanche qui fidélisent. « Cela nous édifie sur l’actualité locale. Moi, je regarde très peu le journal mais je m’informe à travers les programmes du dimanche », argue-t-il.

Ces taux d’audience explosent pendant de grands évènements. À l’aube et aux lendemains des élections présidentielles de 2018, les principaux acteurs de cette consultation ont tenu en haleine des millions de personnes tous les dimanches. Cela témoigne de l’intérêt que les émissions de débat ont suscité dans la communauté des téléspectateurs.

Théâtre de dérives

« Je suis dans une logique de pardon. Mon silence m’impose le pardon. Je profite pour demander pardon aux milliers de camerounais si j’ai tenu des propos lors d’une prise de position, lors d’une émission. Je voudrai que vous ne me gardiez plus en mal dans le cœur ».

C’est en se fondant en regrets que le journaliste M. Ernest OBAMA a procédé au lancement de sa chaine de télévision. Alors qu’il était Directeur Général d’une autre chaine de télévision de la capitale, il s’était permis, sur les plateaux de certaines émissions qu’il présentait, des écarts de langage qui ont suscité l’ire de plusieurs abonnés.

Le tribalisme qui menace la cohésion nationale depuis l’élection présidentielle de 2018 a également prospéré à travers ces débats du dimanche.  À la sortie du Conseil de cabinet d’octobre 2019, le Ministre de la communication, M. René Emmanuel SADI, tirait déjà la sonnette d’alarme.

« Il y a eu des messages de haine qui sont passés par le canal des organes de presse », avait-il déclaré.  Un an plus tard, c’est le Conseil National de la Communication qui a invité les dirigeants des « médias en général et celui de Vision 4 en particulier, au respect strict des règles d’éthique et de déontologie dans la collecte et le traitement de l’information portée à la connaissance du grand public » en rappelant que « le contenu des programmes ne doit en aucun cas inciter à la haine, à la violence ou à la discrimination à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personne en raison de leur origine, de sexe, de leur appartenance à une tribu, une ethnie, une race ou une religion ».

Consistance diluée dans le divertissement

Le clash qui a opposé le blogueur M. Steve FAH et l’entrepreneure Mme Nathalie NKOAH sur le plateau de « l’Arène » en février a renforcé, selon certains observateurs, la coloration hideuse qui envahit progressivement les programmes dominicaux de débat.

Ce « hors-série » a séduit autant qu’il a révulsé de nombreuses personnes. Les échanges qui portaient pourtant sur le rôle des influenceurs a très vite tourné en un cocktail de diatribes viles.

C’est de la même façon que de nombreuses émissions du dimanche qui ont jadis été parmi les émissions préférées des téléspectateurs ont cessé d’intéressera. « Ce n’est pas avec le même engouement que je regarde ces émissions », lance M. SOULEYMANE.

Le profil des invités de ces émissions de débat constitue un autre facteur de lassitude. Sur certains plateaux, on retrouve quasiment les mêmes invités chaque dimanche.

Ceux-ci tiennent les mêmes discours selon qu’ils sont opposés au régime ou à l’opposition. Il n’est pas rare d’assister à des scènes d’invités qui ont du mal à défendre leurs points de vue.

Les débats socio-politiques se sont invités sur les plateaux de télévision et de radio depuis l’instauration de la liberté d’expression au début de la décennie 2000.

Les émissions dominicales de débat ont ainsi progressivement pris une place importante dans de nombreux ménages du Cameroun. Seulement, elles intéressent de moins en moins car elles ont perdu un peu en substance et sont devenues plus des émissions d’expression de la discrimination, de propagation de la haine et de divertissement.

Les nouvelles chaines de télévision gagneraient à penser de nouvelles formules de débats plutôt qu’à reproduire ces formules qui ont un peu perdu de leur aura. MN  

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