Dans son dernier rapport sur la situation des droits de l’homme au Cameroun, l’ONGI Human Rights Watch souligne la restriction des libertés d’expression et d’association et « une intolérance croissante » face à certains partis politiques de l’opposition. Pourtant, sur place, des ONG prétendument engagées dans la protection des droits humains sont silencieuses.
400. C’est le nombre approximatif des ONG et associations de défense des droits de l’Homme installées au Cameroun. Seules quelques-unes contrôlent l’action du gouvernement sous le prisme des droits humains et en rendent régulièrement compte.
Le Réseau Camerounais des Organisations des Droits de l’Homme, l’ONG Nouveaux Droits de l’Homme et la Commission nationale des droits de l’homme et des libertés font partie de ces organisations qui sont restées peu bavardes sur la situation des droits de l’Homme au Cameroun.
Des ONG amorphes
Le réseau camerounais des organisations des droits de l’homme est constitué d’associations et de collectifs d’associations dont l’objectif est la promotion et la protection des droits de l’homme et de la gouvernance. Il rend compte de ses activités à travers des communiqués, déclarations et rapports publiés sur son site internet.
Sauf que ceux-ci n’ont jamais porté ni sur les exactions commises dans des zones de conflits, ni sur les privations des libertés d’opposants.
La seule déclaration accessible sur les plateformes numériques de l’Organisation est intitulée « Déclaration de RECOHD sur la disparition de Samuel Abuwe Ajiekia dit Wazizi ». On peut y découvrir que « Le RECODH recommande la mise en place d’une Commission d’enquête indépendante qui rétablira la vérité sur les circonstances du décès de Samuel Wazizi, l’amendement de la Loi antiterroriste afin de garantir la sécurité des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et de tout prévenu accusé d’acte terroriste».
Pour Joseph Désiré ZEBAZE, coordonnateur national du RECOHD, il faut « une collaboration entre les OSC, les populations et les pouvoirs publics pour renforcer la culture des droits de l’homme au Cameroun. »
On peut alors imaginer que le Réseau Camerounais des Organisations des Droits de l’Homme forme à la culture des droits de l’homme plus qu’il ne dénonce les violations de ces droits.
C’est peut-être pour cette raison qu’il n’y a rien à se mettre sous la dent dans les sections « Rapports d’activités » et « Rapports sur l’état des droits de l’homme » sur le site internet du RECODH. Le massacre de Ngarbuh, la détention arbitraire de plusieurs centaines de membres d’un parti politique de l’opposition entre autres ne semblent pas entrer dans le champ d’actions de l’organisation que dirige Joseph Désiré ZEBAZE.
Des contradictions qui intriguent
Placée sous la direction exécutive de Cyrille Rolande Bechon, Nouveaux Droits de l’Homme est une Organisation Non Gouvernementale qui se présente comme chargée « de promouvoir, de défendre et d’étendre les droits de l’homme partout où ils sont bafoués.»
Globalement, Nouveau Droits de l’Homme poursuit ces objectifs de promotion et de défense des droits de l’Homme. Dans son dernier rapport dont le titre est « Les populations civiles prises pour cible dans la crise anglophone », l’ONG présente, à grand renfort de photographies, les violences que subissent les populations installées sur le théâtre de la crise anglophone.
On y recense 13 disparitions, arrestations et incarcérations perpétrées dans le cadre du conflit qui oppose groupes terroristes et forces armées dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Dans une déclaration du 26 janvier 2019, NDH-Cameroun condamnait l’arrestation et la détention de plusieurs militants du MRC.
« NDH-Cameroun condamne et dénonce avec la plus grande fermeté les violations récurrentes des droits humains dont entre autres l’usage excessif de la force par les forces de l’ordre camerounaises ; les arrestations et détention arbitraires et abusives ; les atteintes à l’intégrité physique de nombreux manifestants par les blessures par balle orchestré par l’armée ; tortures et traitement inhumains sur les personnes en garde à vue. », lit-on dans la déclaration.
Pourtant, le 20 septembre 2020, Cyrille Rolande Bechon tenait un discours visiblement aux antipodes de cette déclaration, sur le plateau de l’émission « Droit de réponse ».
Au sujet des manifestations projetées par le MRC contre les élections régionales qui se sont déroulés en décembre, la Présidente exécutive de Nouveaux Droits de l’Homme a déclaré que « l’État a l’obligation d’assurer le maintien de l’ordre, et l’État aussi a l’obligation, bien entendu, de reconnaitre les libertés de manifestation, mais il y a des dispositions d’exception qui prévoient que si l’État a des raisons de croire que la manifestation que vous projetez peut nuire, n’est-ce pas, à l’ordre public ou alors peut attenter à la liberté des autres le pouvoir, le Régime, l’autorité administrative est dans son rôle ».
Cette sortie qui s’inscrivait en droite ligne du discours du gouvernement a sonné comme une tentative de légitimer l’oppression et de bâillonnement de l’opposition.
NDH a en outre participé, à un atelier à l’effet de préparer la candidature du Cameroun pour son entrée au Partenariat pour un Gouvernement Ouvert.
Cette démarche qui visait à questionner la problématique d’accès à l’information, de la transparence budgétaire et fiscale, de la déclaration des biens et de la participation citoyenne a intrigué plus d’un.
Comment était-il possible que des défenseurs des droits de l’homme fussent engagés dans un processus pareil dans un pays où la transparence et les droits de l’homme ne sont que mirage ?
Une commission nationale inerte
Dans son « Bilan » de l’année 2020, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des Libertés élude clairement la question des violations des libertés des opposants et des journalistes. Elle impute les entorses faites aux droits de l’Homme à des conjonctures survenues « en raison des problème sécuritaires, des catastrophes naturelles et de la pandémie du nouveau Coronavirus. »
Les membres de cette commission ignorent peut-être que des dizaines de membres d’un parti d’opposition sont en prison, que des militaires se sont rendus coupables de bavures sur des civiles et que des exécutions extrajudiciaires ont été perpétrées comme le mentionne le rapport de Human Rights Watch.
Dans une lettre conjointement signée par plusieurs acteurs de la société civile le 7 octobre 2020, l’inertie de la commission nationale des droits de l’homme a été mise en lumière.
Des journalistes complices ?
« La manifestation des militants du MRC devant la cathédrale de Yaoundé est un acte de profanation du sacré ». Le journaliste Jean Jacques Ze commentait ainsi les manifestations pacifiques organisées par des militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun dans le cadre de sa revue de presse du 29 octobre 2018. Il exprimait par cette occasion son opposition à la manifestation de la liberté d’expression.
Le premier mars dernier, il s’est attiré la foudre d’un grand nombre d’internaute en alléguant dans sa chronique que « « Beaucoup utilisent maintenant cette crise dans le Nord-Ouest et Sud-Ouest comme leur fonds de commerce, comme leur podium. »
Il reprochait alors à certains de ses confrères de projeter la lumière sur le théâtre de la crise anglophone. Portant, il est du devoir de tout journaliste d’attirer l’attention du pouvoir sur les exactions qui y sont commises en vue d’espérer une ouverture sur la fin du conflit. Il n’a par ailleurs relevé la responsabilité du pouvoir de Yaoundé sur la question.
Le journaliste Denis Kwebo lui a apporté son soutien face au lever de bouclier dont il a fait l’objet. Ce dernier ne cache que mal sa sympathie pour le régime.
Parlant de l’assignation à résidence du Président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun, Denis KWEBO, Président du Syndicat National des Journalistes du Cameroun, a déclaré que « MAURICE KAMTO est un complice actif de ceux qui l’aurait pris en otage… ».
Le nouveau membre de la Commission nationale des Droits de l’Homme et des Liberté faisait alors du Professeur KAMTO l’unique responsable de son assignation à résidence au moment même où la communauté internationale dénonçait cet abus de pouvoir.
Les Droits de l’Homme au Cameroun sont condamnés à une double peine. Le Président Biya et ses ‘amis’ extérieurs marchent dessus sous le regard complice de quelques ONG et de journalistes. Les efforts de quelques organisations de la société civile se retrouvent ainsi anéantis par le jeu trouble de certains hommes et femmes qui se sont accomodés de la tyrannie. MN
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